On se souvient tous dans quelles circonstances on a mis les mains pour la première fois sur un jeu qui nous a marqué. Cela peut être au détour d’un rayon alors qu’on avait prévu de ne toucher qu’avec les yeux, parce qu’un ami nous a prêté le jeu qu’il venait de terminer, ou parce qu’on a regardé les diverses sessions de jeu de notre compagnon de l’époque ce qui nous a donné une furieuse envie de reprendre une manette dans les mains. Pour Thomas Méreur, c’est dans le cadre professionnel, pour le compte de Gamekult chez qui il était pigiste depuis 2004 (et ce pendant 18 ans), qu’il a pu poser les mains sur le tant attendu Assassin’s Creed, quelques semaines avant sa sortie en novembre 2007, dans les locaux d’Ubisoft à Montréal. Quelques heures de jeu qui ne le quitteront jamais vraiment puisqu’il a dédié nombreux de ses tests à la saga phare de l’éditeur français et aujourd’hui un ouvrage, un premier volume, dédié aux 7 premières années, et donc 7 premiers volets de la licence, édité par Third Editions: Les Secrets d’Assassin’s Creed de 2007 à 2014: L’Envol.

EditeurThird Editions
Prix24€90 en édition standard, 29€90 en édition First Print
Date de sortie7 septembre 2023
Nombre de pages224
Format 160x240mm

C’est sur la préface de Patrice Désilets, papa des Assassins, ou plus formellement créateur de la licence, que s’ouvre cet ouvrage. Ces quelques lignes qui évoquent les souvenirs mais aussi la mémoire, et qui sera la ligne directrice de l’ensemble des pages qui constituent cette véritable encyclopédie, pour ne pas dire ce Codex de la licence, de ses débuts en 2007 à l’arrivée de la next gen de l’époque, menée par la Xbox One et la PS4, en 2013. Un thème plus qu’équivoque pour cette licence qui traitera tout au long de son existence la retranscription, le voyage dans les souvenirs d’un ancêtre par sa descendance. Comment et pourquoi Assassin’s Creed est-elle devenue la licence qu’elle est aujourd’hui (et en l’occurrence ce qu’elle était en 2014)?

« La culbute est formidable , car elle crée une mise en abyme parfaite: le joueur va véritablement incarner le héros qu’il voit à l’écran revivant ses souvenirs. Et cette petite idée sera l’étincelle qui mènera à énormément d’éléments du jeu ».

Thomas Méreur – Les Secrets d’Assassin’s Creed, de 2007 à 2014: L’Envol – Page 30

C’est avec cette approche documentaire que Thomas Méreur rédige cet ouvrage. En partant des toutes premières idées, de leurs inspirations, en passant par les nombreuses phases de développement, avec leurs hauts mais aussi leurs bas, que se dessinent les quelques 224 pages de cet ouvrage et ses 7 chapitres.

Les idées, la façon de les mettre en œuvre, les complications face aux playtests mais aussi les délais imposés par l’éditeur (et ses têtes pensantes), tout est ici retranscrit de façon très minutieuse, parfaitement expliqué grâce à de nombreuses citations des principaux concernés (on retrouve par exemple le nom d’un certain Aymar Azaïzia, qu’on ne présente plus pour ses nombreux « threads » sur X/Twitter).

Ce n’est non sans une touche de passion pour la licence que Thomas Méreur raconte, explique, critique même, le tout avec un recul des plus remarquables. On adore les petites touches d’humour parsemées ci et là, mais aussi les nombreuses anecdotes de développement qui fourmillent (une a d’ailleurs particulièrement retenue mon attention concernant la disparation abrupte de la jeune scientifique blonde de premiers volets, me faisant éclater de rire par la même occasion, merci pour ce grand moment). Chaque petit détail y est ici retranscrit, de la façon d’écrire un personnage, aux interactions des joueurs avec le monde ouvert, en passant par les nombreuses recherches, historiques, architecturales pour rendre un univers crédible et immersif mais également des personnages, de leurs origines, pour ne pas tomber dans les clichés faciles (le développement de Connor d’Assassin’s Creed III a nécessité de nombreuses recherches ainsi que des consultants pour ne pas tomber dans le cliché de l’amérindien souvent dépeint).

Mais au delà de décrire comment chaque épisode a été développé, cet ouvrage prend très à cœur d’expliquer pourquoi. En effet, il décrit scrupuleusement la volonté des équipes de développement de vouloir apporter de la nouveauté à chaque épisode pour ne pas tomber dans le bête copié/collé du précédent. Un travail de longue haleine, particulièrement fastidieux quand les délais imposés sont, disons le, ridicules.

« Ce n’est que le deuxième épisode de la série, mais on sent que ses créateurs sont déjà capables de jouer avec leurs propres codes »

Thomas Méreur – Les Secrets d’Assassin’s Creed, de 2007 à 2014: L’Envol – Page 64

D’une honnêteté déroutante, Thomas Méreur ne mâche pas ses mots. Si cet ouvrage rend un très bel hommage et saura faire l’éloge des innombrables qualités de la saga, qui a tout de même été une petite révolution des années 2010, inspirant nombreux développeurs pour leurs futurs mondes ouverts, il n’a pas pour vocation de rendre l’entièreté du tableau totalement resplendissant. Si vous n’aviez de base aucune sympathie pour les décisionnaires de l’éditeur français, nombreuses anecdotes ne vous aideront pas à changer d’avis.

Sans en porter le nom, Les Secrets d’Assassin’s Creed se lisent à la manière des Making-of (de Dead Cells et A Plague Tale) de Benoît « ExServ » Reinier, les images et illustrations en moins. En découle de ce livre, une mine d’informations qui assouvissent notre soif de connaissances et de culture, en passant par la mise en lumière de la « brand bible » (ou « Bible de Marque).

« Tout cela sera raffiné et enrichi au fil du temps; l’idée est de mettre au point les outils qui permettront à un nouveau studio, à un nouvel auteur de bande dessinée ou au scénariste d’un film de comprendre la série, d’en cerner son histoire et d’en respecter le canon. Elle contient notamment une liste de dix commandements qui définissent précisément la série et pose les interdits. »

Thomas Méreur – Les Secrets d’Assassin’s Creed, de 2007 à 2014, L’Envol – Page 136

Des citations passionnantes, je pourrai vous en mettre à la pelle tant le contenu de cet ouvrage se révèle, page après page, des plus complets. Ce serait donc contre productif de vous citer d’autres passages et vous enlèverait donc tout sentiment de découverte. Mais au delà d’être à but informatif, cet ouvrage dépeint également tout un pan de nostalgie, à tout joueur ayant fait ces jeux. Je me revoyais, alors que je lisais avec attention chaque ligne, arpentant les rues de Masyaf, celles de Venise, de Florence, et de Boston, m’adonnant à quelques centaines d’acrobaties, et plantant discrètement ma lame secrète dans le dos de mes cibles.

Je terminerai cette chronique par la couverture de Marion Millier, pour la version que je possède qui est donc la classique. Particulièrement sobre grâce à l’omniprésence du blanc, discrètement maculé d’un rouge brillant , elle regorge toutefois de nombreux détails. Son premier plan regroupant les 3 symboles principaux de la licence, l’aigle, l’Ordre des Assassins et celui des Templiers, on remarque le soin apporté aux nombreux symboles que nous avons pu croiser au cours de nos nombreuses aventures, et ceux que nous croisons pendant la lecture de cet ouvrage. Les ailes de l’aigle sont donc joliment agrémentées par le logo d’Abstergo, l’éternelle Pomme d’Eden, évidemment, mais aussi une plume ou encore le célèbre fauteuil de l’Animus. Son arrière plan est agrémenté de quelques bribes de cartes, ces lieux emblématiques qui nous ont fait voyager au fil des années. Le tout sur une couverture cartonnée rigide du plus bel effet.