Mars 2012, Quantic Dream nous présentaient une démo technique plutôt impressionnante et le visage d’une jeune femme: Kara. Serait-ce elle la nouvelle égérie du studio français? Quelques mois plus tard, durant l’E3 de la même année, Beyond Two Souls est officiellement annoncé et c’est le visage d’Ellen Page qui anime la bande-annonce de cette nouvelle histoire. Mais où sont Kara et son corps «robotique»?

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Les mois et les années passent sans revoir une once d’un éventuel retour de Kara jusqu’au 27 octobre 2016 à la Paris Games Week, jour de l’annonce officielle de Detroit Become Human. Depuis, les infos s’additionnent et les reports se succèdent pour qu’il réserve finalement sa place au 25 mai 2018. Le nouveau titre dirigé par David Cage s’est fait attendre, nous promettant d’être son jeu le plus abouti. Réalité ou doux rêve? Après plus d’un mois sans avoir allumé la PlayStation 4, il est l’heure de vous raconter mon histoire (mais pas trop quand même: article garanti sans spoilers). Afin de vous parler au mieux de Detroit Become Human, ce n’est pas moins de 3 parties qui permettent d’alimenter mon avis. Étant assez fan du genre, impossible pour moi de ne pas utiliser pour référence ses prédécesseurs Heavy Rain, Beyond Two Souls et leur concurrent Until Dawn. J’aimerai remercier Playstation France pour la confiance qu’ils m’accordent et le code du jeu.

1. Hold on just a little while longer

Detroit, 2038. Les voitures autonomes parsèment les rues de la ville où la technologie semble avoir atteint son paroxysme grâce au phénomène Cyberlife et ses androïdes humanoïdes plus vrais que nature dont leur seule véritable distinction physique est la puce située sur leur tempe droite. Plus que de simples machines, ces cyber-humains remplacent peu à peu les Hommes dans le quotidien donnant naissance à un nouveau conflit sociologique et politique. Et si les androïdes pouvaient vivre au delà d’une existence programmée? Tout au long de cette dizaine d’heures (peut être plus, peut être moins), nous suivrons Connor, Kara et Markus, 3 androïdes, 3 histoires. Vos histoires?

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Nos premiers pas se font dans un appartement de Detroit dans lequel nous y découvrons notre premier protagoniste: Connor, un androïde programmé pour enquêter sur les déviants (je n’en dirai pas plus). Notre objectif? Obtenir un maximum d’informations sur la prise d’otage qui est en cours sur la terrasse à quelques mètres de nous. Indices, analyses, reconstitutions, chaque élément peut être d’une grande utilité pour réussir à sauver la petite fille détenue par ce qui semble être un homme. Les premières possibilités de résoudre cette affaire s’offrent à nous. Mentir, compatir, comprendre, ou tout l’inverse. Les conséquences de nos choix peuvent être lourdes. S’en suivent les rencontres suivantes, celle de Kara, une androïde d’entretien et Markus, un « aide à domicile ». Peu à peu, l’histoire et les enjeux de Detroit Become Human se dessinent laissant au joueur se façonner l’histoire qu’il veut. Vraiment?

A la fin de ma première partie, je suis restée perplexe face à une sensation de déception. Avais-je forgé ma propre histoire? Avais-je fais évoluer mes personnages comme je l’aurais souhaité? Non. Le générique de fin atteint, mon avis sur Detroit était presque tout tracé et il n’était pas aussi bon que je l’aurais espéré. Mes intentions premières étaient de garder une certaine neutralité des personnages, leur condition et leurs intentions. Malheureusement, Quantic Dream semble avoir oublié cette possibilité de par une certaine vision imposée au joueur marquée par des clichés sociaux, accentués par un vocabulaire que je considère comme inapproprié et un ton un temps soit peu moralisateur, beaucoup d’incohérences scénaristiques et une pointe de contradictions, dispensant au final le joueur de son libre arbitre et provoquant parfois une certaine perte du divertissement. Dans cette optique très dirigée, l’absence de certains choix saute aux yeux. Malheureusement, ces choix qui s’offraient à moi ne sont devenus finalement que de simples possibilités. Bien que la rejouabilité de ces jeux soient de mise, il est à souligner qu’une seule partie peut ne pas se suffire à elle-même.

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Mais j’ai tenu bon et n’ai pas voulu rester sur une mauvaise impression, et mes deux parties suivantes se sont avérées efficaces quant au retournement de mon avis. Le scénario de Detroit Become Human est fort en émotions, c’est indéniable, me faisant monter quelques larmes aux yeux, certains revirements de situations sont intenses et relèvent d’une écriture de talent remarquable par la découverte de nouveaux chapitres, ou le changement total de certaines scènes. Il est clair que Quantic Dream n’ont pas mentis quant à la palette de « choix » possibles que nous découvrons grâce à l’arborescence impressionnante disponible à chaque fin de chapitre. Cependant, la possibilité de changer le cours des choses est-elle vraiment présente? Après 3 parties complètes, la première moitié du jeu semble ne pas être réellement modifiable et ne sert qu’à mettre le scénario en place. Mais ce que je craignais le plus s’est avéré réel: Detroit n’a pas réussi à se trouver un juste milieu à ces choix, c’est soit tout blanc soit tout noir de quelque point de vue que ce soit ce qui m’a valu notamment de pas ou très peu m’attacher à ses personnages. Sauf un.

Connor. Formidablement joué par Bryan Dechart et doublé quasi à la perfection par Donald Reignoux, Connor est le seul personnage qui me donnait réellement l’impression de choix. Avec son partenaire, Hank (Clancy Brown), ils sont les deux seuls personnages qui m’ont fait ressentir un système d’évolution au sein de l’histoire, bien que je n’en contrôlais qu’un seul. La prestation des deux acteurs m’a réellement touchée, quitte à rattraper les énormes défauts d’écriture du titre.

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2. Débutant ou expérimenté?

Parlons maintenant du mariage manette/jeu. Comme son style l’indique, Detroit Become Human propose plus des interactions avec la manette qu’un réel gameplay puisque le seul véritable aspect de jouabilité à proprement parlé sera le déplacement des personnages. Depuis Heavy Rain, le studio français s’est révélé être un maître du genre « film interactif » grâce à l’immersion proposée par de simple pressions de boutons et l’orientation des sticks analogiques. Malgré ses défauts, Beyond Two Souls avait à sa façon renouvelé le style. Cette année, c’était à Detroit de faire ses preuves. Sachez tout d’abord que définir la difficulté de la jouabilité est d’emblée un choix important du jeu. Si l’accessibilité à tous les types de joueurs est une force du studio, la difficulté « expérimentée » est nettement plus complète en termes de réussite ou d’échec, permettant donc de découvrir une plus large fourchette de possibilités.

Dans son ensemble, le jeu n’apporte pas grandes nouveautés au genre mais reste efficace et agréable, on avance, on explore, on choisit, à quelques détails près. Il nous fera découvrir une nouvelle facette de gameplay, proche du système Ari d’Heavy Rain mais cette fois-ci disponible tout au long du jeu. Cet aspect du gameplay dévoile peu à peu différentes fonctionnalités avec chaque personnage. Une nouvelle fois, c’est celui de Connor qui s’avère être le plus complet à mes yeux et le plus intéressant à manier.

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Malgré tout Quantic Dream semble ne pas avoir su exploiter le potentiel de son gameplay et n’a pas su faire la part des choses entre qualités et défauts passés et n’a pas su s’inspirer des bonnes idées d’autres jeux du genre. De ce fait, Detroit se dote d’un gameplay parfois très en retard avec son temps et laisse donc place à quelques défauts.

Dans sa quête de liberté, Detroit semble s’être perdu en chemin. Premièrement, dans les quelques phases de déplacement libre de nos personnages, nous découvrons une caméra trop limitée, dont la seule solution qui s’offre à nous est de changer totalement d’angle de vue. Si cela pouvait moins déranger en 2010, aujourd’hui cela à un effet quasi nuisible à la jouabilité et presque frustrante. Dans un second temps, Detroit ne donne aucun droit à l’erreur dans certains choix. Je pense notamment à certaines scènes où il faut choisir un itinéraire et dans lesquelles seul le bon sera jouable, à l’instar d’Until Dawn qui donnait la possibilité de réellement choisir quitte à ce que ce soit fatal pour l’un des protagonistes.

Plus loin encore, j’ai remarqué un manque certain d’intensité dans certaines scènes qui auraient mérité de nous mettre plus dans l’urgence comme avaient su le faire Heavy Rain ou même Beyond dans des passages ressemblants et d’autres qui au contraire ne nous laissaient pas assez de temps, notamment dans un choix de réponse à certaines questions. A côté de ça, certains chapitres dont le dénouement placent clairement la narration manqueront d’un but ludique et pourront parfois même manquer d’intérêt en tant que jeu.

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3. L’aboutissement graphique?

Dans un univers mêlant futurisme et modernité, Quantic Dream a su relever un défi graphique de taille. On ne peut pas le nier, Detroit Become Human est incroyablement beau. Plus les années passent et plus on se rend compte que le studio maîtrise de mieux en mieux son domaine de prédilection qu’est le film interactif en terme de réalisation.

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Après 5 ans de développement, on pourrait imaginer que Detroit pouvait sortir dépassé graphiquement, mais il n’en est rien. Il est visuellement très réussi. La ville est magnifique, mais on saura également remarquer une petite perte de netteté dans les arrières plans. Un sacrifice certainement nécessaire pour faciliter la beauté et les détails des premiers plans et de la motion capture qui atteint des sommets.

La qualité des visages et des expressions sont phénoménales, jusqu’au moindre détail. Je me suis amusée à tenter de reconnaître certains acteurs pour me rendre compte que leurs visages étaient virtuellement retranscrit à la perfection. Graphiquement parlant, je n’ai rien à dire de plus et malgré certains petits laps de temps pour laisser les textures charger correctement, le résultat est bel et bien là.

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Conclusion

Vous l’aurez compris, j’ai eu une vision très critique sur Detroit Become Human. Dire qu’il est foncièrement mauvais serait vous mentir mais dire qu’il est mon jeu Quantic Dream préféré le serait tout autant. Fort heureusement, j’ai pu tiré profit de sa rejouabilité pour voir au delà de ses défauts. Est-il le jeu le plus abouti du studio? En termes de possibilités et de chemins différents, sans aucun doute. Graphiquement, aussi. En revanche, si son scénario est un ascenseur émotionnel certain inspiré de plusieurs œuvres cinématographiques (notamment), son déroulement trop imposé n’a pas eu d’effet positif sur moi. A l’image des choix que propose le jeu, j’aurai aimé les avoir tout autant sur les thèmes abordés ce qui malheureusement a été loin d’être le cas. En plus de cela, malgré 3 parties totalement différentes qui auraient dû changer le dénouement, j’ai clairement ressenti l’absence de fins dignes de ce nom et me suis fait expédié aux crédits en me laissant sur ma faim. Très complet sur certains de ses aspects et bâclé sur d’autres, Detroit Become Human (et ça me désole de devoir le dire) est une petite déception. Peut-être en attendais-je trop.

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Alors les cinéphiles, vous le reconnaissez?