Le Crime de l’Orient Express d’Agatha Christie est probablement l’un des romans policiers les plus connus et est devenu une référence dans la littérature et la pop culture. Publié pour la première fois en 1934, il est inspiré de faits réels: l’affaire du kidnapping de l’enfant de Charles Lindbergh dont les événements ont eu lieu en 1932 (officiellement résolue en 1934) ainsi que du blocage du Simplon-Orient-Express (version de l’Orient Express créée par les Alliés à la suite du traité de Versailles), en 1929, par un blizzard près de Çerkezköy en Turquie pendant 6 jours.
Ce roman acclamé depuis sa publication a depuis eu droit à de nombreuses adaptations au cinéma, en série télé, en bande dessinée, mais aussi déjà en jeu vidéo en 2006 sur PC sous l’égide de The Adventure Company et AWE Games. Cette année, c’est au tour de Microids Studio Lyon (aux commandes également de Flashback 2) de nous proposer sa vision du célèbre roman de l’écrivaine américaine pour une nouvelle adaptation tout simplement nommée Agatha Christie Le Crime de l’Orient Express. Disponible ce jeudi 19 octobre 2023 sur consoles PlayStation, Xbox, Nintendo Switch et PC, cette nouvelle adaptation a plus d’un tour dans son sac pour nous surprendre.
Version | Numérique sur PS5 fournie par Microids |
Temps de jeu | Environ 12h |
Histoire terminée | Oui |
Complétion totale | Non communiquée (47% des trophées débloqués) |
Difficulté | Unique |
Genre | Action, Aventure, Enigmes |
Date de sortie | 19 octobre 2023 |
Prix (maximum conseillé) | 49€99 |
Plateforme(s) | PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series S/X, Nintendo Switch, PC |
Voix | Français, Anglais, Allemand |
Textes | Français, Anglais, Italien, Allemand, Espagnol, Chinois traditionnel, Chinois simplifié, Coréen, Japonais, Polonais, Portugais, Russe, Tchèque |
Nous sommes en décembre 2023 à Istanbul. Hercule Poirot devant retourner à Londres urgemment, il monte à bord de l’Orient Express grâce à son ami M. Bouc, dirigeant de la Compagnie des Wagon-Lits. Lors du trajet, la première nuit, un passager, Samuel Ratchett, est violemment assassiné. Une affaire toute trouvée pour le célèbre détective belge moustachu qui se doit de la résoudre alors que le train est bloqué par la neige au beau milieu de nulle part. Se profile donc un huis-clos des plus palpitants pour démasquer le meurtrier. Par respect pour les personnes qui pourraient ne pas connaître le roman, je garantis, comme d’habitude, un test sans aucun spoil.
Si vous avez déjà lu l’histoire du Crime de l’Orient Express, nul doute que vous connaissez le dénouement de cette histoire, à quelques détails près. En effet, si cette nouvelle adaptation, cette fois-ci aux mains du studio lyonnais de Microids, se veut particulièrement fidèle à l’œuvre originale, du nom des passagers et suspects, à l’affaire à laquelle est rattachée le meurtre de Ratchett, en passant par l’emplacement des chambres et leur allocation aux passagers (à une ou deux modifications près), les développeurs ont décidé d’apporter leurs petites touches personnelles au roman d’Agatha Christie, et une revisite de celui-ci tout en gardant le fond original tant apprécié par les aficionados. C’est Lee Sheldon (déjà en charge de l’écriture de la trilogie de AWE Games) qui reprend sa plume pour écrire l’histoire de ce « nouveau » Crime de l’Orient Express.
Vous l’aurez remarqué, nous quittons donc les années 30 pour découvrir cette affaire à notre époque. Ce changement de temporalité permets donc de visiter et redécouvrir l’histoire sous un œil plus moderne tout en respectant l’identité du huis-clos et le savoir faire d’Hercule Poirot. Du long de ses 13 chapitres, le roman de 1934 est revisité grâce à des éléments modernes, tels que l’utilisation de smartphones et autres techniques qui n’existaient pas à l’époque, ainsi que l’ajout de nouveaux passagers et suspects et même un nouvel enquêteur. De plus, le studio de Microids a pris la liberté d’apporter un dénouement différent. Vous pensiez déjà connaître l’identité du tueur et la fin de l’affaire? Oui, mais en fait pas complètement.
En découle de cette nouvelle adaptation un récit haletant et passionnant de cette histoire que nous connaissons tous par cœur. La modernité apporté au roman lui donne une nouvelle jeunesse, et les ajouts apportés par Microids le rendent d’autant plus captivant (oui, on abuse des superlatifs quand il s’agit d’Agatha Christie ici) voire même inattendus. Parsemés de nombreux flash-backs, le roman est ici développé de façon à le rendre encore plus prenant, apportant matière au fond de son histoire et à son message.
En 2006, la première adaptation du Crime de l’Orient Express par AWE Games était sous forme de point’n click, un genre qui se prête parfaitement à l’univers policier. Si le genre a énormément évolué au fil des années, il a notamment été revisité dans les adaptations des romans de Sir Arthur Conan Doyle et son détective Sherlock Holmes par le studio Frogwares, en le couplant au genre aventure. Ici, le principe est plus ou moins le même bien que nettement moins poussé, notamment pour rester crédible avec le déroulement en huis-clos, les possibilités étant donc bien plus limitées pour rester cohérentes.
Le Crime de l’Orient Express version 2023 (dans tous les sens du terme) est un jeu à la troisième personne dans lequel le but est évidemment de démasquer le meurtrier de Samuel Ratchett, et pour se faire il faut donc trouver des indices, interroger les suspects et surtout trouver des preuves.
Huis-clos oblige, nous ne vadrouillerons qu’entre 3 voitures de l’Orient Express, de la voiture des chambres en première classe, à la voiture restaurant. Un terrain de jeu qui se veut limité mais qui se dévoile plutôt bien exploité pour ne pas (trop) tomber dans la redondance des nombreux allers-retours que nous sommes amenés à faire. Tout au long de cette affaire, nous sommes donc conviés à résoudre ce meurtre coûte que coûte au travers de nombreux interrogatoires, retranchements des témoignages mais aussi et surtout de nombreuses résolutions d’énigmes pour trouver les preuves matérielles.
Mais ce qui fait toute la réputation de notre bon détective c’est bien évidemment son sens de la déduction, et ici, le vôtre. Au travers des cartes mentales, nous avons donc pour mission d’établir les profils des passagers, comprendre leur histoire, leurs témoignages, trouver leur potentielle faille, et donc regrouper tout ça dans le but d’établir des conclusions. Nos petites cellules grises sont mises à rude épreuve pour démêler le vrai du faux et trouver la vérité qui se cache derrière le meurtre.
Dans son ensemble, le jeu de Microids Lyon se veut indéniablement ingénieux notamment dans ses énigmes et la façon de trouver la façon de les résoudre. Certaines couleront de source pendant que d’autres nous donneront du fil à retordre. Fort heureusement le système d’indices présent permet aux plus impatients de trouver la solution de façon plus accessible (oui, j’avoue je m’en suis servi une ou deux fois, bon ok, un peu plus).
Malgré tout, quelques ombres au tableau se profilent au fil des heures, notamment la rigidité des déplacements de M. Poirot, ou encore l’exploitation moindre de certains personnages qui feront plus office de figurants dans la narration. De plus, les nombreux allers-retours à bord de l’Orient Express instaurent une certaine répétitivité, ce qui finalement terni un peu l’aspect de la recherche. Nous savons presque à l’avance où aller pour continuer l’aventure. Alors, oui, vous me direz « en même temps, ils n’allaient pas changer l’agencement du train ni même sa taille s’ils voulaient rester fidèles à l’œuvre originale », mais finalement, les lieux auraient pu être bien mieux exploités (certaines pièces ne présentent aucun intérêt alors que l’on peut interagir avec). Bien évidemment, ce ne sont probablement que des détails, et cela n’entache en rien l’immersion dans le jeu qui se révèle particulièrement qualitatif et inventif dans ses autres aspects.
Pour ce qui est de sa partie visuelle, le titre de Microids Lyon a su parfaitement allier les 2 périodes qu’il exploite, ses personnages ont été modernisés et l’Orient Express reste très old-school. Le moteur Unity est plutôt bien maîtrisé. Le character design de Cédric Peyravernay (qui a notamment travaillé sur Diablo IV, Prey, Dishonored 1 et 2, ou encore l’épisode 1 « L’Avantage de Sonnie » (Sonnie’s Edge) et l’épisode 7 « Derrière la faille » (Beyond The Aquila Rift) de la première saison de Love, Death and Robots de Netflix) est impeccable sans dénaturer l’écriture et la personnalité des personnages originaux.
Malheureusement, on remarque, lors de nombreuses phases de dialogues, des animations qui ne collent pas du tout avec le ton employé et les échanges tenus. On se retrouve donc parfois avec des gestes brusques et « énervés » alors que le dialogue est calme et posé. Si cela ne change en rien la qualité narrative du titre, la crédibilité de la scène est un tantinet entachée.
Du côté des doublages, j’ai opté pour les doublages français. Julien Chatelet (Ging Freecss dans Hunter X Hunter, le roi Neptune dans One Piece, Roy Mustang des épisodes 1 à 13 de Fullmetal Alchemist Brotherhood, Libertus Ostium dans Kingsglaive: Final Fantasy XV, etc) propose un Hercule Poirot spéctaculaire. Pour le reste du casting, si certains personnages manquent parfois un peu de conviction, l’ensemble est particulièrement qualitatif et réussi.
Du côté de la bande originale, c’est Jean Luc Briançon (du collectif de Jazz Abigoba) et Roman Perreton qui sont en charge de la composition. L’ensemble des pistes de musique fait mouche par ses rythmes et son instrumentalisation aux oignons. Mention spéciale au thème principale du menu qui ravit nos oreilles.
Difficile d’être surpris quand on connaît déjà l’histoire. Et pourtant cette nouvelle adaptation du Crime de l’Orient Express le fait avec brio. Car au delà de proposer un récit fidèle au roman d’Agatha Christie, le studio Microids Lyon a réussi à le revisiter et le moderniser tout en lui laissant son identité d’origine. L’ajout d’un chapitre supplémentaire et de ne pas se terminer comme on en a l’habitude approfondi le scénario déjà connu. De plus, les nouveaux personnages et suspects apportent également un petit plus, notamment dans la funeste histoire qui a mené à ce crime, apportant donc un nouveau pan d’histoire à travers des flashback fort bien scénarisés et mis en scène et permet de développer l’écriture du récit original. Evidemment, tout n’est pas parfait, et on regrette le manque d’exploitation de certains personnages, peu présents, mais aussi la rigidité du détective Poirot ou encore quelques animations qui n’ont pas leur place dans les dialogues. Pour le reste, ce nouveau Crime de l’Orient Express est une franche réussite, tant scénaristique, visuelle, que dans son aspect ludique au travers de ses nombreuses énigmes qui redonne un sacré coup de jeune au roman des années 30.
- La revisite d’une histoire déjà connue
- L’ingéniosité des énigmes
- Le système d’indices
- Le mélange aventure/point’n click fonctionne très bien
- Le character design particulièrement réussi et modernisé
- L’OST
- Les flash-backs qui servent l’affaire de fond
- La rigidité des déplacements de Poirot
- Quelques animations hors sujet
- Le doublage de certains personnages qui manque de conviction
- La redondance des allers/retours, certains lieux sont sous-exploités
- Certains personnages mis en retrait