Visions of Mana est le tout nouvel épisode de la série « Mana » éditée par Square (Enix) depuis 1991, dont nous connaissons le premier épisode sous le nom Mystic Quest (Final Fantasy Gaiden: Seiken Densetsu au Japon). Alors qu’aucun nouvel épisode n’avait vu le jour depuis 2007 (en Europe en tout cas) et Heroes of Mana sur Nintendo DS, Visions of Mana était attendu par tous les fans de la série. Sa sortie, le 29 août 2024 sur PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series et PC, était donc un événement mais aussi un jour tragique. Développé par le studio Ouka Studios, fondé par Netease Games en 2020, nous apprenions le jour de la sortie de ce tant attendu nouvel épisode, qu’il serait actuellement en train de fermer, suite à des licenciements massifs et dans lequel seuls quelques employés resteraient le temps de maintenir le navire à flot pour le lancement des derniers projets, dont ce Visions of Mana. Un jour de fête, qui pour les fans et l’industrie, a également eu un goût amer. C’est donc le cœur lourd que je vous sort le test de ce nouvel épisode.
Version | Numérique sur Xbox Series, fournie par l’éditeur |
Temps de jeu | Environ 32h |
Histoire terminée | Oui |
Complétion totale | 32% des succès |
Difficulté | Normale + Facile |
Genre(s) | Action, Aventure, RPG |
Date de sortie | 29 août 2024 |
Prix (maximum conseillé) | 69€99 |
Plateforme(s) | PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series S/X, PC |
Voix | Japonais, Anglais |
Textes | Allemand, Anglais, Français, Espagnol, Japonais |
Connexion obligatoire | Non |
Seiken Densetsu, littéralement La Légende de l’Épée sacrée, est une série qui a su installer ses traditions autour de l’arbre Mana depuis son tout premier épisode. Et ce Visions of Mana ne manque pas d’être au rendez-vous des traditions de la licence, mais aussi des siennes.
Tous les quatre ans, l’Offrande de chaque village est désignée par la fée pour faire don de son âme, être un sacrifice, honoré et honorable, à l’arbre Mana pour faire perpétuer le cycle Mana, nécessaire à la survie du monde et ses habitants. Notre aventure commence au village du feu, Tiana, où Hina est désignée comme Offrande, et son ami d’enfance, Val, valeureux jeune homme et forte tête, est prédisposé à devenir son gardien d’âme et celui des autres Offrandes. Tous deux sont prêts à réussir leur mission coûte que coûte, et c’est un voyage semé d’embûches mais aussi de belles rencontres qui les attend.
Le postulat de départ de ce Visions of Mana n’augure aucun « happy ending ». Le sort des Offrandes désignées par la fée est scellé, il leur faut mourir pour sauver le monde. Mais un grand homme a dit un jour, ce qui compte c’est pas l’arrivée c’est la quête. Et Visions of Mana nous promet un périple digne des RPG dits classiques tout en modernisant, un peu, la formule. Si le dernier né de la saga Mana nous propose une scénario très classique, ce sont ses thèmes qui font toute la qualité de son écriture. En tête de liste, le sens du sacrifice, évidemment, mais aussi sa signification, le symbole que cela représente dans son monde, et là où nous, joueurs, voyons qu’il s’agit d’un funeste destin, il est représenté ici comme un devoir, oui, mais un honneur avant tout. Mais outre son thème principal, Visions of Mana pose la réflexion sur d’autres thèmes, tout aussi sombres, comme la culpabilité, la mort, ou encore la vengeance le tout en opposition avec la candeur de ses personnages.
En résulte une aventure très mature, sous les airs de son monde particulièrement coloré, très plaisante à suivre qui nous réserve bien des surprises, qu’elles soient bonnes, mauvaises, joyeuses ou au contraire tragiques. On découvre donc un scénario, certes, classique dans sa narration, avec un début un tantinet poussif, mais qui saura nous toucher, que cela soit par l’écriture de ses personnages, et leurs histoires respectives, que par la dureté de ses traditions.
Du côté du gameplay, Visions of Mana reste dans la lignée de ses prédécesseurs en conservant un système de combat en temps réel, autrement dit en action-RPG. S’il est inutile de vous présenter les codes du genre, il faut malgré tout parler de son système de classes (que l’on peut aisément comparer aux jobs des premiers Final Fantasy) régie par les éléments. En effet, chaque village est sous l’égide et la protection d’un esprit élémental (le feu, la terre, l’eau, la lumière, les ténèbres, vous connaissez la chanson). Chaque nouvel esprit rencontré nous récompensera de sa relique, permettant donc de maitriser sa magie. A partir de là, différentes classes se débloquent pour nos différents personnages (à 2 ou 3 exceptions près, ils sont tous jouables), instaurant donc un système de combat basé sur les faiblesses élémentales (et de résistances également cela va de soi). Un système classique, qui a déjà fait ses preuves depuis la nuit des temps et qui continue d’être une valeur sûre dans les JRPG.
Si nous ne pouvons contrôler qu’un seul personnage à la fois, bien que le jeu nous permette de changer à la volée en plein combat, il instaure également un système de stratégie, ou plutôt de calibration de l’IA quand elle est livrée à elle-même. Cela permet de calibrer sa combativité (offensive, défensive, de soutien, etc) mais également l’utilisation de ses points de Mana (PM) ou encore l’utilisation des objets. En résulte des coéquipiers IA qui s’en sortent plutôt bien, bien que parfois un poil trop téméraires, rendant donc les combats particulièrement dynamiques et rapides.
Pour autant, Visions of Mana se dote également de quelques petits défauts dont le principal est son monde ouvert, ou plutôt semi-ouvert. Au programme, des coffres à ouvrir pour différents objets et/ou quelques piécettes, des petites arènes chronométrées (pas bien difficiles pour autant), des cristaux de points élémentaux (PE) pour débloquer les compétences des arbres de classes, et des missions secondaires. Si j’ai pris un malin plaisir à vider les zones de leurs différents « collectibles », j’ai très vite déchanté quant à la complétion des quêtes secondaires. Peu intéressantes scénaristiquement, malheureusement très « FedEx » (vas là-bas et reviens me voir quand t’auras terminé, en gros), et qui ne récompensent pas vraiment le joueur (pas de points d’expériences par exemple en les complétant), leur cruel manque d’intérêt a vite montré le bout de son nez.
Visuellement, Visions of Mana est un bonbon pour les yeux. Sans être une vitrine exploitant des technologies faramineuses, il n’en reste pas moins magnifique. Si ses biomes ont déjà été vus et revus (désert, neige, forêt, etc), impossible de ne pas admirer ses différents panoramas, et surtout la beauté de ses couleurs, chatoyantes et flamboyantes. Sans oublier son character-design, qui sent bon l’heroic fantasy. Visions of Mana c’est un monde coloré, où on monte un gros poulet tortue (après les gros poulets autruches jeunes de Final Fantasy) en guise d’embarcation maritime, où on utilise des fleurs pour traverser un ravin, et dans lequel on ramasse du mielours à échanger avec un Campagnol. Aussi classique puisse-t-il être dans bien des aspects, il n’en reste pas moins dépaysant, féérique et onirique.
C’est du côté de la technique que Visions of Mana pêche un peu plus. On remarquera quelques inégalités graphiques, notamment avec des textures qui ne font pas franchement honneur à sa direction artistique ou encore la présence d’un peu de popping en arrière plan, notamment durant les cinématiques. Une texture qui s’affiche à retardement ou parfois même un épais nuage de fumée qui apparait brusquement.
De plus, sur Xbox Series X en tout cas, j’ai affronté quelques chutes d’images par seconde, notamment lors des combats, que cela soit traduit par un très grand nombres d’ennemis, mais aussi par une trop forte utilisation des compétences magiques en même temps, faisant apparaitre différents effets (particules, etc) à l’écran.
Enfin, si son monde ouvert, aussi beau soit-il, se révèle malheureusement assez vide, peu généreux en présence d’ennemis notamment, et n’invite donc pas forcément aux sessions de farm que le genre pourrait impliquer (mais est-ce un défaut en soi, la question peut se poser).
Du côté de l’OST, on retrouve Hiroki Kikuta, déjà à l’oeuvre sur la série depuis Secret of Mana (Seiken Densetsu 2), mais aussi Tsuyoshi Sekito, qui a composé pour Metal Gear Solid 2 ou encore Romancing SaGa Minstrel Song et The Last Remnant, et Ryo Yamazaki, connu pour ses travaux d’arrangement sur la série Final Fantasy, notamment Final Fantasy XIV ou la trilogie FF XIII. Tous ces noms et ces CV pour dire que Visions of Mana jouit d’une ambiance musicale particulièrement réussie tantôt jouasses (je pense notamment à la piste dédiée aux traversées maritimes à dos de poulet tortue) tantôt dramatiques et tragiques pour les scènes les plus marquantes. En découle une OST particulièrement qualitative qui sait nous immerger dans cet univers aux nombreuses facettes.
Bien que Visions of Mana ne réinvente ni la série ni le genre, son voyage et sa quête n’en reste pas moins d’une grande profondeur scénaristique qui pose un regard particulièrement déroutant sur son thème principal. Si son classicisme pourra rebuter ceux qui demandent une révolution du genre à chaque sortie, il n’en reste pas moins d’une grande fraicheur, et d’un dépaysement dans un univers coloré mais qui renferme une certaine maturité dans son écriture. Malgré quelques ombres au tableau qui peuvent parfois ternir l’expérience (son monde ouvert, son contenu secondaire ou quelques soucis techniques), elles sont bien peu de choses face à ses nombreuses qualités, que cela soit son système de combat dynamique et efficace, son système de classes ou tout simplement son voyage dans un univers d’heroic fantasy qui fait toujours mouche. A chacun de savoir ce qu’il attend d’une telle production.
- Le regard posé sur des thèmes particulièrement forts, comme le sens du sacrifice
- Un univers d’heroic fantasy coloré, comme on les aime
- L’approfondissement et l’attachement aux personnages (même l’antagoniste)
- Une OST à la hauteur du genre
- Le gameplay classique mais qui tient ses promesses
- Le système de classes/jobs, une valeur sûre
- Graphiquement inégal
- Les quêtes secondaires qui manque d’intérêt sous tous les aspects (écriture, récompenses)
- Un monde semi-ouvert un peu vide
- Quelques couacs techniques (popping des textures, chutes de framerate)