Dans les années 90, le jeu d’aventure n’était pas totalement comme on le connait aujourd’hui. Il y avait bien les éternels Rayman, Zelda, Metroid, mais il fut un temps où le jeu d’aventure prenait une toute autre forme: le point’n click (littéralement pointer et cliquer), un genre qui quitte peu à peu nos écrans. Au sommet de la pyramide du genre: les aventures de Guybrush Threepwood dans les Monkey Island, univers créé par Ron Gilbert, et celles de George Stobbart dans Les Chevaliers de Baphomet (en VO, Broken Sword) créé par Charles Cecil. Premier épisode, d’une série de 5 jeux, sorti en 1996 sur PC et PlayStation, Les Chevaliers de Baphomet (L’Ombre des Templiers) est rapidement devenu un classique du genre, un jeu culte, et un incontournable de son époque. Et si Revolution Software a annoncé, le 23 août 2023, être sur le chantier d’un sixième épisode (nommé à date Broken Sword: Parzival’s Stone), ils nous ont également concocté, à l’aide d’une campagne kickstarter, un remake de ce premier jeu. Sorti le 19 septembre 2024 en version numérique sur PC, PS5 et Xbox Series (et qui sortira en octobre sur Nintendo Switch), voici mon test de cette version « reforgée ». Pour rappel, ce remake sortira également en version physique sous l’égide de Red Art Games début 2025.
Version | Numérique sur PS5, fournie par l’éditeur |
Temps de jeu | Environ 9h |
Histoire terminée | Oui |
Complétion totale | 45% des trophées |
Difficulté | Classique |
Genre(s) | Aventure, Point’n Click |
Date de sortie | 19 septembre 2024 sur PC, PS5, et Xbox Series/Octobre 2024 sur Nintendo Switch |
Prix (maximum conseillé) | 29€99 |
Plateforme(s) | PS5, Xbox Series S/X, PC, Nintendo Switch |
Voix | Allemand, Anglais, Français, Espagnol, Italien |
Textes | Allemand, Anglais, Français, Espagnol, Italien, Tchèque |
Connexion obligatoire | Non |
George Stobbart est un touriste américain venu visiter Paris. Alors qu’il s’apprête à se désaltérer sur la terrasse d’un bistrot, celui-ci est victime d’un attentat à la bombe mené par un étrange personnage déguisé en clown. En bon citoyen qu’il est, George décide de se mêler à l’enquête pour retrouver le coupable. Aidé par la journaliste et photographe Nicole Collard, George remuera ciel et terre pour que justice soit faite. Mais ce qu’il ignorait, c’est que son enquête le mènera aux quatre coins de l’Europe et se transformera en véritable fouille historique.
Je ne m’étalerai pas plus sur le scénario de ce premier volet, les fans le connaissant déjà et surtout par souci de ne rien dévoiler aux nouveaux venus. Nous sommes en 1996, j’ai 8 ans, et à l’époque, je joue assez peu, un Crash Bandicoot par ci, un Pitfall par là, et un Sonic en passant, mais globalement je ne suis pas vraiment les sorties de jeux, autant vous dire que je suis totalement passée à côté de tous ces jeux qui font l’histoire de l’industrie. En 2024, je découvre donc pour la première fois ce jeu culte que beaucoup de joueurs n’ont jamais oublié. Tout ça pour dire que pouvoir découvrir les Chevaliers de Baphomet presque 30 ans après sa sortie initiale n’a pas de prix, et c’est une opportunité qui ne se refuse pas. C’est pouvoir comprendre les fans, comprendre l’engouement, comprendre la portée et l’influence d’un tel jeu. Et je pense qu’il n’est pas exagéré de dire que sans ces jeux, nombreux sont ceux qui n’auraient pas été ce qu’ils sont aujourd’hui.
Revenons-en donc à notre bon George et sa première aventure. Ce premier volet est mené tambour battant par une histoire qui tient en haleine, qui va doucement se transformer en un véritable périple archéologique, un travail de recherches en profondeur pour comprendre les événements de début de jeu (rappelons-le brièvement un attentat).
De la terrasse d’un café, cette affaire nous conduira aux quatre coins de Paris, mais aussi dans d’autres villes européennes (sans les nommer), et nous fera faire la rencontre d’un paquet de personnages hauts en couleurs. Années 90 oblige, oui, le jeu est bourré de clichés, et d’un humour qui peut ne pas faire l’unanimité auprès des plus jeunes et d’un nombre assez impressionnants de références à la pop-culture. En ce qui me concerne, cet humour, parfois un peu noir, a ravi le produit des années 90 que je suis, me tordant parfois de rire avec ses répliques inattendues.
Dans un point’n click on ne se déplace pas librement, on doit cliquer sur un endroit pour déplacer notre personnage dans des zones restreintes et y trouver des indices, des objets, ou tout simplement pour faire la conversation. Ainsi, l’un des codes du genre, c’est la résolution d’énigmes pour avancer et arriver à la fin. Les Chevaliers de Baphomet ne fait pas exception. Vous n’imaginez pas les horizons que peut vous ouvrir le plus insignifiant des objets de votre inventaire, ou la simple évocation d’un personnage au détour d’une conversation.
Ainsi, Les Chevaliers de Baphomet jouit d’une profondeur dans son gameplay qui est assez déroutante, surtout quand on n’a pas forcément l’habitude du genre, et certaines énigmes capillotractées en deviennent du génie tant elles sont ingénieuses et paraissent finalement d’une logique presque maladive. Au programme, le placement d’un objet pour s’aider à grimper, ou encore pour détourner l’attention d’un personnage qui vous surveille d’un peu trop prêt, mais aussi la combinaison d’objets pour nous aider à résoudre un mystère (entre vous et moi, j’ai parfois fait appel à une soluce d’époque pour m’aider dans mon avancée). Mais pour ceux qui n’ont pas envie de s’enquiquiner avec une soluce sous la main, ce remake a mis en place un mode dit Histoire qui permet de grandement faciliter l’aventure.
L’appellation Reforged (réforgé) prend tout son sens dès le premier lancement du jeu. Si on s’intéresse un tant soit peu à la version initiale du jeu, on se rend assez vite compte du travail dantesque de restauration qui a été apporté dans cette nouvelle mouture. On pourrait éventuellement parler de sa résolution en 4K, inexistante il y a 30 ans, mais le travail va bien au delà. De ses cinématiques dignes des dessins animés de l’époque, très cartoonesques, à ses lieux restaurés et sublimés par de nouvelles textures et de nouveaux effets d’ombres et de lumières, tout a été entièrement redessiné pour rendre ce remake visuellement fabuleux.
Mais si l’aspect visuel est impeccable, ce n’est pas la même chanson pour l’aspect auditif. Si le doublage en français, mené par Emmanuel Curtil en George Stobbart et Nathanièle Esther dans le rôle de Nicole, sans oublier la présence de Pierre Hatet (notre Doc Emmet Brown français), transpire les années 90, et nous transporte vers un retour dans le passé rafraichissant, tant par son humour que par ses accents, sa qualité sonore est malheureusement restée brute de décoffrage. En effet, le doublage original a été conservé et n’a pas jouit d’un travail de restauration comme il l’aurait mérité. Je vous avoue que j’ai de prime abord pensé à un doublage par IA, mais non, non c’est bien le doublage original, celui d’il y a 28 ans mais aussi avec la qualité de l’époque. Le jeu nous permettant de basculer de la version 2024 à celle de 96 en une simple pression d’un bouton, on se rend compte que le doublage, lui, n’a pas bougé d’un iota. Du coup, on a droit à quelques petits couacs, comme l’équilibrage du volume qui fera parfois des siennes, ou encore à une qualité pas du tout HD. On peut évidemment imaginer que l’impasse a été faite à cause des coûts que cela aurait engendré.
Découvrir Les Chevaliers de Baphomet en 2024 est un moment précieux pour ceux qui, comme moi, étaient passé à côté en 1996. Doté d’un travail de restauration visuelle à couper le souffle, les Chevaliers de Baphomet L’Ombre des Templiers s’offre ici une nouvelle mouture, telle une épée brisée et reforgée, fabuleuse et digne de son statut de jeu culte. Mais si le travail graphique n’est pas discutable, le travail sonore, en tout cas dans la version française, fait pâle figure puisque gardée telle quelle. Par souci d’authenticité? Par manque de moyens? Quoi qu’il en soit, ce remake donne clairement envie de voir les épisodes qui lui ont succédé jouir du même traitement!
- Un travail de restauration incroyable
- Une affaire prenante et haletante
- Le mode histoire pour les moins téméraires
- Un humour décapant
- Le point’n click fait toujours mouche, même 28 ans après
- La VF aurait à minima mérité un travail sonore pour la moderniser et la fondre un peu mieux dans le décor