Développé par le studio norvégien Red Thread Games qui en est déjà à sa troisième oeuvre vidéoludique après Dreamfall Chapters (2014) et Draugen (2019), cette fois-ci édité par Quantic Dream sous le label Spotlight, Dustborn nous jette aux côtés d’une joyeuse bande de jeunes gens qui doivent fuir une Amérique futuriste et dystopique. Au programme de ce road trip loin d’être conventionnel, du rock, de la baston, de l’amitié mais aussi et surtout énormément d’inclusivité. Retour sur un voyage marquant qui m’a fait réfléchir sur l’impact et la portée de nos propos.
Version | Numérique sur PS5, fournie par l’éditeur |
Temps de jeu | Environ 22h |
Histoire terminée | Oui |
Complétion totale | 60% des trophées |
Difficulté | Unique |
Genre(s) | Action, Aventure, Narratif |
Date de sortie | 20 août 2024 |
Prix (maximum conseillé) | 29€99 pour la version numérique, 39€99 pour la version physique |
Plateforme(s) | PC, PS5 et Xbox Series S/X |
Voix | Anglais |
Textes | Français, Anglais, Allemand, Espagnol, Russe, Norvégien, Chinois, Italien, Portugais, Japonais, Polonais |
Connexion obligatoire | Non |
Dustborn prend place dans une Amérique dystopique et futuriste de 2030. Trente ans après qu’un mystérieux phénomène appelée la Transmission ait offert des pouvoirs à certaines personnes, le jeu vous met dans la peau de Pax, une jeune femme capable d’influencer les gens à l’aide de mots prononcés. Autour d’elle, son équipe composée de Théo, le seul être sans pouvoir du groupe, Sai, capable de générer une super force et enfin Noam, capable, iel, d’apaiser les gens à l’aide de son pouvoir. Ce petit groupe, après un événement dont je tais la teneur, décident de fuir le pays pour rejoindre la Nouvelle Ecosse (anciennement le Canada) afin d’échapper aux gouvernements qui contrôlent le pays.
Je vais m’arrêter là côté scénario puisque je veux à tout prix vous garder de tout spoil que ce soit. Sachez que le lore et l’univers de Dustborn est l’une de ses forces et sa nouveauté fait du bien. L’univers est vraiment bien trouvé et le studio jouit vraiment d’un savoir faire que je ne vois pas souvent. Néanmoins, si l’univers, les personnages, le lore et tout ce qui en découle est vraiment chouette, le tableau au complet se voit hélas nuancé par une narration en deçà de ce qu’on pourrait exiger d’une œuvre narrative aussi mature. On ne comprend pas tout de suite qui est qui, quelles sont les forces en présences, ce qu’il se passe dans le pays et je dois vous le dire comme ceci : ça m’a grandement empêché de me sentir impliqué par l’œuvre. Ce sentiment ne m’a quitté que vers la fin de l’aventure mais j’y reviendrais plus bas.
De plus, le jeu de Red Thread Games souffre d’un rythme poussif, dont la narration pourra nous perdre à de nombreuses reprises. En découle une durée de vie un tantinet trop longue, dans mon cas 22h, j’ai trouvé ça beaucoup trop long pour un jeu narratif de cette envergure.
Côté gameplay, Dustborn peut se targuer d’avoir plus d’une corde à son arc puisque vous pourrez à la fois rentrer, en rythme, une série de touches lors des chansons du groupe (Guitar Hero à jamais dans mon cœur mon pote), chasser des « fantômes » avec un appareil rappelant SOS Fantômes et enfin la meilleure partie du gameplay (a mon sens), les combats. Meilleure partie donc, où je trouve que le studio réussit à tirer partie des pouvoirs de Pax (seul élément du groupe que l’on contrôle durant les combats). Les combats donc, me rappellent, de loin, ceux de Hifi Rush dans une moindre mesure. Ca fonctionne super bien et je me suis éclaté durant les bastons. Quoi qu’il en soit, ce mélange des genres (rythme et beat’em all plus particulièrement) donne à Dustborn une identité singulière et plutôt rafraichissante.
Développé avec le moteur Unity, Dustborn propose (vraiment) de magnifiques graphismes et très souvent, je me suis arrêté pour admirer le paysage qui n’a eu de cesse que de se renouveler. Son aspect proche d’un comics, qui se veut être cohérent avec plusieurs mécaniques du jeu, est particulièrement réussit, lui octroyant une certaine originalité visuelle. Maintenant, un mot sur la technique, qui est malheureusement l’un des points noirs de cette version PS5.
Si les sous-titres accusent le coup de très nombreuses fautes, tout le temps, partout, c’est le framerate qui pose ici un énorme problème. Tournant normalement en 60 images par seconde, j’ai eu un gros souci durant mes sessions avec parfois la sensation de tournis, de vertiges, avec en prime un énorme mal d’yeux qui a duré jusqu’à la toute fin, causé par des chutes de framerate soudaines (notamment en tournant la caméra) de courte durée mais perceptibles à l’œil nu et ce de façon récurrente. C’est un phénomène qui ne m’était jamais arrivé jusque là et je vous avoue qu’avoir vécu ça compte énormément dans mon avis puisque une œuvre vidéoludique ne devrait pas infliger ça aux joueurs et aux joueuses. Est-ce son aspect graphique? La fatigue? Je n’ai malheureusement pas la réponse à cette question mais il me semblait important de le signaler.
Du côté du doublage, Dustborn propose une version originale (en anglais) sous titrée française de très bonne facture avec tout de même la présence de Dominique Tipper (The Expanse ou bien Need For Speed Payback). Côté bande son, groupe de rock oblige, Dustborn propose quelques chansons qu’il faudra nous même composer que je trouve bonnes mais j’aurais aimé (même si ça coûte énormément d’argent) que Dustborn propose une vraie bande son axé rock. En effet, en dehors des passages chantés par le groupe, l’OST reste très discrète et peu en accord avec son univers « punk rock ».
Maintenant que le tableau est complet, il est temps de vous proposer mon avis sur Dustborn. Avant d’entrer dans les détails, il me faut vous prévenir. Dustborn est une oeuvre inclusive jusqu’au bout des ongles. Si vous connaissez le DEI (pour Diversité, Equité, Inclusivité) et que vous ne supportez pas ça, fuyez ce Dustborn, vraiment. Fuyez le, l’oeuvre ne s’adresse pas à vous. Seconde chose, je suis comme vous. Je rejette catégoriquement ce mouvement, que je surveille vraiment en sélectionnant de plus en plus les oeuvres vidéoludique qui en proposent en m’en éloignant le plus loin possible. Quand on m’a proposé de réaliser le test de Dustborn, je ne savais pas où je mettais les pieds et c’est sur le fait accompli que j’ai découvert de quel bois était fait Dustborn.
Dustborn s’adresse avant tout aux personnes qui pensent comme elle, et qui tiendra souvent des propos qui finalement n’auront pas pour objectif de réunir les joueurs et joueuses mais d’encore plus les diviser. En effet, en parcourant son scénario, en écoutant les dialogues, nombreux de ses propos renvoyaient à une forme de rejet de certaines catégories de personnes, m’incluant dans le tas. Ce faisant, il m’est arrivé alors de me dire qu’au final, nous, comme eux, nous étions tous des idiots et c’est là qu’intervient un des propos sous jacent de Dustborn : la portée de nos propos, ses conséquences, le choix ou non de proférer les propos que nous tenons et qui n’a apporté qu’une seule chose : la tristesse, la haine de l’autre et le rejet.
N’importe quelle œuvre est politique, les exemples sont nombreux, de Wolfenstein en passant par Death Stranding, mais il est important, à mon sens, que ses créateurs trouvent un certain équilibre afin que son écriture, son message soit autant au service du fond que du divertissement. Ce n’est pas le cas de Dustborn puisqu’il se ferme déjà, d’entrée de jeu, à un public déjà formaté à ses propos sans faire l’effort de vouloir s’ouvrir à l’autre public, qui rejette de toute façon son idéologie. Ce n’est pas avec Dustborn que ce statu quo changera (puisqu’il est, de toute façon amené à continuer à l’avenir) mais je dois bien vous avouer que ce que vous lisez aurait pu être très différent si je n’avais pas fait un travail personnel durant mes sessions sur Dustborn.
Bien que je soit réticent de pousser vers une idéologie inclusive, plus particulièrement dans le médium qu’est le jeu vidéo, force est de constater que ce n’est pas cette dernière qui définit qui nous sommes vraiment, mais bel et bien notre personnalité, notre éducation, notre vécu, les gens que nous côtoyons, notre culture et notre ouverture d’esprit, que nous forgeons nous-mêmes et la somme de tout ceci peut très bien ne pas rentrer dans des cases d’une idéologie qui ne nous aime pas mais aurait décidé de nous y mettre. Si une personne a besoin de se définir par un pronom spécifique, qui pourrait la soulager de son mal, qui sommes nous pour la juger ? Oui, Dustborn n’est pas une œuvre conventionnelle, qui utilise l’inclusivité comme un choix dans ses propos et n’est pas à mettre entre toutes les mains et c’est très bien comme ça. Jouez y ou n’y jouez pas, c’est comme vous le sentez. En attendant, ce ne sont pas les propos du jeu qui m’ont fait mal aux yeux, c’est hélas sa technique qui me les a explosés et ses sous titres qui regorgent de fautes (d’ailleurs, le patch day one n’a pas du tout réglé le souci).
Il en reste que Dustborn, vers la fin de son voyage éreintant, m’a fait prendre conscience d’une chose. Les mots que l’on prononce peuvent à la fois avoir des conséquences heureuses ou malheureuses. Peu importe que nous ayons de bonnes intentions au départ, il suffit que le moment ne s’y prête pas pour que cela fasse ou non effet boule de neige. C’est un peu le cas ici. Une œuvre inclusive qui se voit hélas plombée par l’une des choses les plus importantes d’un jeu vidéo : sa technique.
Je ne vous cache pas que quand j’ai commencé Dustborn, ça ne partait pas du bon pied. Entre sa technique qui fait des ravages, et ses propos parfois un peu trop extrêmes pour moi, ne m’invitant pas à m’impliquer au cœur du groupe, ni même à m’y attacher, force est de constater qu’il a malgré tout réussit à me happer dans son road-trip peu conventionnel. Peinant à trouver un équilibre entre son fond mené par le poids des mots et leurs conséquences, et son devoir d’être divertissant, Dustborn est un jeu qui se veut clivant, de par son écriture et sa narration, et ne gagnera pas le cœur de tous les joueurs. Malgré tout, on salue sa volonté de vouloir nous faire réfléchir et voir un peu plus loin que le bout de notre nez. Néanmoins plombé par une technique honteuse et une traduction qui ferait pâlir une institutrice de cours préparatoire, Dustborn propose un lore et un univers si singulier qui mérite tout de même votre attention. L’expérience en vaut la chandelle si tant est que vous êtes prompt à ouvrir votre esprit et à écouter ce qu’il a à vous dire.
- Un lore et un univers très intéressants et bien trouvés…
- Pax et le reste du groupe attachants
- La diversité du gameplay, qui mélange plusieurs genres
- La réflexion qui découle du jeu, le poids de nos mots et leurs conséquences
- La direction artistique sous forme de comics très réussie
- Une œuvre inclusive…
- …Malheureusement sous exploités par une narration défaillante
- Pas de mode photo
- Une technique désastreuse, trop de ralentissements qui peuvent provoquer de la motion-sickness
- Une traduction et des sous-titres indignes d’un éditeur francophone
- …mais qui rejette certaines catégories de personnes
- Un rythme en dents de scie, rendant sa durée de vie un poil trop longue