Alors qu’Atlus vit son heure de gloire depuis plusieurs années grâce à sa série Persona, il faut savoir qu’avant qu’elle ne s’impose comme référence du JRPG et comme licence à part entière, elle n’était qu’un spin-off à une autre saga: Shin Megami Tensei. En lice depuis 1987, Shin Megami Tensei s’est peu à peu fait effacer du paysage, laissant ainsi à Persona le champ libre des éloges.

Mais Atlus n’ont pas oublié leur série à succès d’antan proposant donc une version HD Remaster (sur PS4 et Nintendo Switch) de son Shin Megami Tensei III Nocturne (au Japon) plus connu sous le nom Lucifer’s Call chez nous, sorti respectivement en 2003 et en 2005 sur PlayStation 2, en attendant la sortie de Shin Megami Tensei V, toujours prévue pour cette année 2021.

Ce sont donc 18 ans qui séparent la sortie initiale de Shin Megami Tensei III de sa version remastered. Pour le meilleur et pour le pire? Grâce à Koch Media France, que je remercie chaleureusement pour la version physique sur PlayStation 4, je peux vous livrer mon avis sur cette œuvre, fraichement découverte en ce qui me concerne.

Nous incarnons un lycéen, que le jeu nous laisse soigneusement nommer, en route pour retrouver ses amis et leur professeure principale à l’hôpital de Shinjuku. Mais les choses dégénèrent plutôt vite. Ils sont tous les 4 témoins d’un mystérieux phénomène: la Conception. Autrement dit, la fin du monde. Ou en tout cas, de Tokyo, qui s’est coupé du reste du monde pour devenir un monde indépendant, avec en son centre une Lune appelée Kagutsuchi. Mais vous l’aurez compris, l’histoire ne s’arrête pas là, puisque notre protagoniste se réveille « tatoué » d’étrange signes sur le corps, signifiant ainsi qu’il est devenu un Mi-Démon. Une seule chose à faire: découvrir la vérité sur ce qui vient de s’abattre sur la capitale et tenter de reforger un monde. Mais ce qu’il ignore c’est qu’il devra choisir une Raison, un idéal, pour que reconstruction il y ait.

C’est ainsi que se posent les bases de Shin Megami Tensei III Nocturne, dans un scénario complexe aux multiples possibilités. Outre un univers bien plus sombre dont nous a habitué la série Persona, SMT3 traite de bien des sujets, de thèmes, aux enjeux sociaux majeurs dans la reconstruction d’un monde que seule une Raison peut ériger. Ainsi, notre jeune mi-démon rencontrera au fil de son aventure, différents clans qui lui exposent leur Raison, leurs idéaux, leur monde « parfait », et tentent de la convaincre de les rejoindre. Ainsi, il faudra apprendre à maitriser un vocabulaire complexe et faire des choix qui nous correspondent au mieux.

Et dans son infinie complexité, SMT 3 se dote d’une aventure à fins multiples en fonction du choix de ses joueurs et les plus motivés d’entre eux pourront s’aventurer à toutes les voir (à savoir qu’il y en a un total de 6) et propose ainsi une aventure ouverte, libre de toutes contraintes, libre de toute obligation à faire des choix que l’on estime ne pas nous correspondre.

Alliez à ce scénario atypique, sombre et compliqué, un gameplay qui l’est tout autant. Rappelons que le jeu approche de sa vingtaine, en atteste donc un gameplay qui s’adressera, en « normal », aux aficionados du genre. Oubliez les objectifs clairs, affichés comme le nez au milieu de la figure, dans Shin Megami Tensei 3, il faut apprendre à écouter (ou a lire grâce aux sous-titres français) les différents PNJ du jeu qui ne manqueront pas de vous confier votre prochaine destination ou vous donner quelques indices sur le prochain « donjon » à visiter. Il affutera donc votre sens de l’analyse pour décrypter ce que le jeu veut bien vous dire comme par exemple trouver « un endroit où il y a souvent du monde », ah bah oui, c’est vrai que c’est très clair dit comme ça (non). Et c’est ainsi que se dessine votre aventure, vous permettant de déplacer un « curseur » sur une carte où seuls les endroits qui clignotent en rouge sont accessibles.

Mais vous vous doutez bien que vous balader joyeusement dans Tokyo n’est pas le plus gros de ce que propose SMT3 puisque pour arriver au fin mot de l’histoire, il faut combattre, beaucoup combattre, dans ce qui semble s’apparenter le plus à des donjons, se finissant pour la plupart par un combat de boss qui pourra vous rendre maboule si vous ne maitrisez pas un tant soit peu les stratégies des JRPG (je le répète, en tout cas, en normal).

Dans un premier temps, il faut former une équipe avec d’autres démons sympathisants qui accepteront de vous rejoindre dans votre quête. Pour vous donner une idée, vous pourrez donc combattre aux côtés de divers démons tels que les éternels Jack Frost, Pixie, Jack’o Lantern et j’en passe, ces mêmes démons que nous appelons dans un autre jeu: personae. Mais beaucoup s’avèrent réticents si vous ne leur lâchez pas la moitié de votre fortune pécuniaire, ou votre inventaire avant qu’ils ne se décident à bien vouloir donner la main à la patte. Et encore, certains iront même jusqu’à vous dépouiller pour finalement fuir pour aller se dorer la pilule on ne sait où. Un système de recrutement très aléatoire auquel il faudra faire face les premiers temps avant de s’adonner à la précieuse fusion qui permet de façonner une équipe puissante pour venir à bout des nombreuses épreuves que vous réserve SMT3.

JRPG en tour par tour oblige, Shin Megami Tensei III Nocturne vous demande de maitriser un système de combat complexe dans lequel chaque erreur peut vous coûter la vie de votre équipe et potentiellement de précieuses heures de jeu si vous n’abusez pas des terminaux de sauvegarde. Faiblesses élémentaires, buff de vos équipiers, debuff de vos ennemis, dites vous qu’un combat n’est jamais gagné d’avance tant certains ennemis vous mettront des bâtons dans les roues et vous feront roter du sang. Il faudra également compter sur de nombreuses heures de farm pour vous mettre à niveau sous peine d’échouer plus vite qu’il ne vous a fallu de temps pour en arriver jusque là.

En effet, Shin Megami Tensei III, du haut de ses 18 ans, dévoile bien vite l’un de ses points faibles: un véritable sentiment de répétitivité non négligeable, la faute à des donjons labyrinthiques, incroyablement longs, et aux « énigmes » parfois farfelues. Et le tout est accentué d’une fréquence de rencontres de base assez élevée qui peut casser encore plus le rythme de progression. C’est ainsi (qu’en normal) l’aventure s’est achevée pour moi en 80h environ. Une durée de vie honorable pour un jeu de la PlayStation 2 mais aux vertus parfois abrutissantes. Mais relativisons, vu son grand âge et sa prise en main vieillissante, cela paraît normal, bien qu’il aurait mérité quelques remises au goût du jour surtout pour une version « remastered » mais passons.

Car c’est un fait, cette réédition de Shin Megami Tensei III Nocturne ne jouit pas d’un remaniement plein et entier et ne se contente que du strict minimum. Bien que son character design ait eu droit à un lifting visible, il n’en reste pas moins que c’est un jeu de PS2 qui s’assume entièrement mais… en 2021.

Il nous donne ainsi droit certes à une petite réhausse de résolution mais aussi à des cinématiques en 4/3 étirées, une OST, certes d’une qualité indéniable comme Atlus savent le faire, mais toujours dans un format compressé, et à une traduction légèrement retravaillée, qui nous fera bien souvent sourire mais dont le confort de jeu n’est aucunement à critiquer.

Mais au delà de son aspect graphique certes d’un autre temps, SMT3 reste une aventure singulière, dont l’univers sombre, sa vision de l’enfer et des démons qui l’habitent, et le scénario original réussissent à fasciner. Car en ce qui me concerne, je n’ai pas eu de mal à lui pardonner ses petites faiblesses visuelles.

Tenter Shin Megami Tensei III Nocturne HD Remaster en 2021 n’est pas une mince affaire et tout dépend aussi du but qu’on veut bien lui donner. Améliorations graphiques moindres, bande sonore d’époque, prise en main vieillissante, sentiment de répétitivité, tout ça n’aidera pas le commun des mortels à l’apprécier, ça peut être même tout le contraire. Pourtant, il n’en reste pas moins un jeu avec un fond solide, intriguant, percutant, avec des propos parfois déroutants, et des combats marquants. Et en tant que consommatrice de JRPG de plus en plus régulièrement, il a eu des vertus culturelles pour comprendre et connaître l’avant Persona. Et c’est avec fierté que j’ai résisté au mode « permissif » (téléchargeable gratuitement sur l’e-Shop et le PS Store), me permettant ainsi d’en apprendre plus sur mes facultés à gérer la difficulté reconnue de SMT 3. Vivement Shin Megami Tensei V? Oui, absolument.

Les plus

  • Shin Megami Tensei, l’avant Persona, et la possibilité de le découvrir en 2021 sur consoles actuelles
  • Un univers des plus sombres mais maitrisé
  • Un scénario complexe, aux fins multiples, qui laisse le choix à ses joueurs
  • Une OST mélodieuse qui ravi les oreilles
  • Une difficulté assumée
  • La présence du mode permissif qui le rend accessible à tous

Les moins

  • Une remasterisation graphique qui se contente du minimum syndical
  • Une prise en main vieillissante, notamment les déplacements sur la carte du monde
  • Des donjons qui semblent parfois interminables, signe d’une certaine répétitivité
  • Aucune remasterisation de la bande son
  • Le recrutement de démons parfois frustrant