Sorti en 2008 sur Wii, Project Zero le Masque de l’Eclipse Lunaire, ou Project Zero 4, n’avait encore jamais vu le jour en dehors du Japon. Aujourd’hui, c’est chose faite avec cette version remasterisée disponible depuis le 9 mars 2023. C’est lors d’une annonce tonitruante pendant le Nintendo Direct de septembre 2022 que les fans de la saga ont vu leur souhait de voir un jour cet épisode quitter le sol nippon exaucé. A l’époque exclusif à la console familiale de Nintendo, il est aujourd’hui jouable sur Nintendo Switch, PS4 et 5, Xbox Series et One ainsi que sur PC. La licence Project Zero a-t-elle les épaules pour revenir sur les devants de la scène en compagnie de ses homologues du genre?
Conditions de test:
- Version: numérique sur Nintendo Switch
- Clé fournie par Koei Tecmo
- Temps de jeu: 14h25 sur la sauvegarde mais une vingtaine d’heures en comptant mes nombreux fails
- Histoire terminée: Oui
- Complétion globale: non communiquée sur la sauvegarde mais pas de quêtes secondaires, seulement des collectibles à récupérer pour le 100%
- Mode de jeu: exclusivement en mode docké, ayant terminé le jeu entièrement en stream
- Difficulté: Normale
Dans les années 70, 5 jeunes filles disparaissent mystérieusement sur l’île de Rogetsu dans un établissement médical dont le corps fait des recherches sur de mystérieux événements et une pathologie psychologique hors du commun. Malheureusement, seules 3 de ces enfants réussissent à quitter l’île saines et sauves mais dont les souvenirs de cette sombre époque se sont volatilisés. Mais l’histoire principale de ce Project Zero prend place dans les années 80, alors que Ruka, Misaki, et Madoka décident de retourner sur l’île pour retrouver leurs souvenirs disparus. Mais l’île de Rogetsu renferme bien des mystères dérrière un étrange rituel dont la cérémonie se passe tous les 10 ans.
Les premières heures de jeu déroutent en termes de scénario. Nous découvrons nos 3 protagonistes une à une sans jamais vraiment les voir ensemble. Les heures passent et le jeu ne se décide pas à être plus clair. Sommes nous dans 3 temporalités différentes? Difficile à dire de but en blanc. Puis l’introduction d’un quatrième personnage, un détective dont le rôle a été majeur dans cette affaire de disparition, ne nous aide pas plus à comprendre ce qui se déroule devant nos yeux.
En résulte donc un déroulement alambiqué mais non moins passionnant. Car même si notre compréhension est mise à rude épreuve, les questions s’amoncellent et notre désir de savoir est plus fort que tout. On notera d’ailleurs l’importance primordiale de la collecte et la lecture de carnets, notes, et autres textes nécessaires à la compréhension globale de ce scénario singulier. C’est donc un lore extrêmement fourni qui s’offre à nous si tant est que nous sommes un minimum curieux et patients.
Au bout du tunnel se dévoile un scénario passionnant dont la plume fait mouche tant la mise en scène est incroyablement réussie, portée par son ambiance folle, et les mystères liés à cette île nous scotchent à nos manettes. Pour information, bien que cet épisode soit le quatrième opus de la saga, il est chronologiquement le premier, cette version remastérisée est donc idéale pour commencer la série pour ceux (comme moi) qui ne la connaissent pas du tout.
Chose étonnante en ce qui me concerne, ce Project Zero m’intriguait et m’attirait comme un aimant alors que le genre du jeu ne me correspond absolument pas. Pas particulièrement friande des survival-horror ni même des ambiances un peu trop pesantes, je me suis donc lancée dans cette aventure avec énormément d’appréhension. Si les premières heures de jeu ont été particulièrement éprouvantes pour moi, je ne peux pas le nier: Project Zero 4 est une franche réussite en matière d’ambiance et de mise en situation en devenant même étonnamment addictif au fil des heures.
Souvent comparé à ses homologues du genre comme Silent Hill ou encore Resident Evil, Project Zero libère une atmosphère oppressante, glauque, et dérangeante. Si les apparitions de spectres font partie intégrante de la mise en scène, elles ne sont pour autant pas le seul élément qui portent cette ambiance façonnée avec brio. Sur fond de folklore japonais, on découvre donc cet environnement hostile et particulièrement pesant tant par son aspect paranormal que par sa direction artistique assez incroyable. Le jeu d’ombres et de lumières y est particulièrement réussi, nous immergeant d’emblée sans oublier ce petit grain de film qui fait toute l’identité du titre. Ainsi, la peur ne se trouve pas exclusivement dans ses « jumpscares » et c’est là qu’est toute la réussite du titre. Un simple objet posé devant nous peut alors nous donner un véritable sentiment d’angoisse et d’oppression. Le sentiment de solitude et d’impuissance y sont omniprésents malgré les éléments mis à notre disposition pour survivre.
Nous sommes donc lâchés dans cet hôpital (des enfers) avec un seul moyen de défense: la Camera Obscura ou la lampe spirituelle (lorsque l’on contrôlera l’enquêteur). Munies d’une force capable de terrasser nos poursuivants, ces « armes » et leurs améliorations seront donc vos meilleures alliées pour vous en sortir indemnes (physiquement, psychologiquement c’est une autre histoire). Pensées à la manière d’armes à feu, plusieurs options s’offrent à nous au fil des chapitres. Le but est ici de prendre en photo nos adversaires, d’une part afin d’accumuler des points qui serviront de monnaie à échanger contre divers consommables mais également afin de leur infliger un certain nombre de points de dégâts pour les voir « mourir » ou du moins disparaître.
Ainsi, l’appareil photo tout comme la lampe ont droit à leur lot d’améliorations comme l’ajout d’objectifs dont les attributs permettent par exemple de ralentir nos ennemis, ainsi qu’un système de « munitions » grâce aux nombreux types de films plus ou moins puissants pour venir à bout de ces fantômes plus ou moins rapidement. Si le système en lui-même est franchement brillant on regrette néanmoins certaines faiblesses en termes de gameplay et de maniabilité.
La première, le déplacement de nos divers personnages est plutôt lent, si on a tout de même la possibilité de courir, cela s’avère être plutôt une marche « rapide ». Bon c’est l’ambiance qui veut ça ainsi que nos frêles jeunes femmes. De plus, la précision des déplacements fait également défaut, notamment dans la collecte d’objets. Il faudra parfois s’y reprendre à plusieurs fois avant que la commande « examiner » n’apparaisse à l’écran. La deuxième limite est la sensibilité de visée là encore très lente et ce malgré la fonction gyroscopique de la Switch (absente des versions Playstation et Xbox), il faut donc se fier en amont au détecteur en haut de l’écran et viser en amont pour espérer ne pas se faire toucher et…survivre. La lampe du détective (ne sachant pas si nom peut être perçu comme un spoiler, je préfère le taire) est toutefois nettement plus agréable à contrôler. Plus fluide dans la visée et plus réactive, j’avais toujours hâte de le contrôler une nouvelle fois permettant une certaine cassure avec le gameplay de la caméra. Oui, le gameplay est très années 2000, et on regrette qu’il n’ait pas été retouché pour lui donner un semblant de modernité.
Mais on reprochera également au jeu un élément majeur: son level design. S’il est parfaitement en adéquation avec le lore du jeu et son thème, il se dévoile également très punitif lors de certains affrontements. En effet, nous sommes amenés à plusieurs reprises à nous « battre » dans des endroits exigus, souvent des couloirs fermés contre des ennemis qui sont capables de traverser les murs, apparaître et disparaitre comme bon leur semble et avec une rapidité assez effroyable. Autant vous dire que le rapport de force peut sembler parfois très injuste surtout quand on remet sur le tableau la lenteur et la rigidité des déplacements. Les échecs face à certains ennemis pourront donc être nombreux. Alliez à cela l’absence de « checkpoints » automatiques et c’est le drame. En effet, alors que j’entamais la dernière ligne droite du jeu, je me suis vue perdre une heure de jeu en l’absence d’un point de sauvegarde sur ma route. La seule solution en reprenant ma partie, perdre quelques minutes supplémentaires pour faire demi-tour et abuser de l’achat de consommables et films en tout genre pour assurer ma survie (heureusement qu’à ce moment là, le jeu n’avait pas fermé quelques portes comme il a su s’amusé à le faire). Mais malgré ses défauts, il n’en reste pas moins que la proposition de Project Zero en matière de gameplay est originale, voire même grisante.
Graphiquement, c’est donc sur la base de la version Wii, version unique du jeu à l’époque, qu’est proposé ce « remastered ». Pour autant, en faisant quelques recherches de comparatifs sur notre moteur de recherche préféré, il est impossible de ne pas remarquer le « glow up » du jeu et ses améliorations visuelles, notamment en termes de character design. Des visages bien plus détaillés, une colorimétrie revue, corrigée et améliorée, sans qu’il ne propose des graphismes dignes de 2023, c’est tout de même largement mieux et pas seulement limité à un éternel filtre HD bête et méchant.
Côté doublages, le jeu offre donc la version japonaise pour les voix qui est une vraie réussite en termes d’immersion. Ajoutez à cela la localisation française pour les textes qui apporte un réel confort tout en étant pour le moins impeccable. Je n’ai pas souvenir d’avoir remarqué un quelconque souci de traduction ou de coquilles orthographiques, et c’est franchement appréciable.
Mention spéciale également à l’ambiance sonore, aussi bien dans les bruitages omniprésents pendant l’aventure et qui apportent une réelle plus value à l’ambiance (« j’ai entendu un truc là non? ») déjà follement réussie que dans sa bande originale, qui là encore nous plonge dans cet environnement avec beaucoup de talent. Certaines pistes se veulent néanmoins un tantinet répétitives mais restent néanmoins inspirées et inspirantes.
Cette première approche avec la série des Project Zero a été pour moi incroyable. Alors que j’appréhendais de me lancer dans le jeu, qui s’acoquine avec l’ambiance cinématographique de films comme The Grudge ou The Ring, classiques du cinéma horrifique japonais, je me suis étonnée moi-même à de plus en plus aimer le jeu, voire même l’adorer. Et alors que je voyais le générique de fin défiler sous mes yeux en live, tentant désespérément de cacher les larmes qui commençaient à monter, j’ai senti que le jeu allait énormément me manquer. Son ambiance, ses personnages, et finalement son scénario également en font un jeu assez exceptionnel et inoubliable. En tant que « remastered » on apprécie notamment les améliorations graphiques mais regrettons néanmoins la rigidité du gameplay (hormis celui du détective qui se veut être pour moi largement meilleur) ainsi que le game design et le level design lors de nombreux affrontements qui se dévoile frustrant et punitif. On aurait également aimé l’ajout d’une sauvegarde auto qui aurait modernisé l’expérience. Mais contre toute attente, il devient alors une référence à mes yeux dans le genre, notamment grâce à son ambiance générale rondement menée par sa DA mais également ses effets sonores et son OST. J’aurai tellement aimé une version physique.
Les plus
- L’ambiance générale angoissante et oppressante
- La peur et le sentiment d’impuissance omniprésent
- Le scénario intriguant et fort bien écrit
- L’alternance entre la Camera Obscura et la lampe spirituelle
- Une nette amélioration graphique entre la version Wii et cette remasterisation
- L’OST
- La localisation française
- Le lore franchement bien exploité dans les collectibles
- Encore un nouveau titre qui a dépassé les frontières japonaises
Les moins
- Le gameplay parfois trop rigide qui porte donc le poids des années
- Le level design trop punitif et frustrant lors de certains affrontements
- L’absence de checkpoints automatiques
- Pas de version physique en Europe (et donc en France)