Futaba et Necronomicon
L’histoire de Futaba est pour moi la plus déchirante de tous les membres des Voleurs Fantômes. Elle perd sa mère très jeune, qui selon ce qu’on a bien voulu lui dire s’est tout simplement suicidée. Elle est recueillie par Sojiro Sakura, propriétaire du café Leblanc également tuteur de Joker, le temps d’une année. Elle vit dans sa chambre et n’en sort jamais. Experte en informatique, hackeuse, un peu geek sur les bords (comme nous tous), Futaba est une jeune femme solitaire, souffre d’anxiété sociale, est timide et réservée, en somme elle est une ermite (d’où le choix de lui attribuer l’arcane de l’Hermite). Elle découvre très vite l’identité des Voleurs Fantômes grâce à ses talents devant un ordinateur et leur fait même directement la demande, sous le nom d’Alibaba, de voler son cœur dans son propre palais. Sans surprise, elle y éveille sa Persona, Necronomicon, alors qu’elle se souvient enfin des réelles circonstances de la mort de sa mère et devient Oracle (Navi en japonais, rappelant la fée de The Legend of Zelda Ocarina of Time. Son nom de code anglais, rappelle quant à lui Barbara Gordon, qui après son agression par le Joker devient paraplégique et n’est plus en mesure de tenir son rôle de Batgirl (20)) au sein du groupe, et sert de soutien aux différents membres.
Qu’est ce que le Necronomicon? Pourquoi l’avoir choisi pour être le vrai moi de Futaba? Le Necronomicon, contrairement aux autres Personae, n’est pas un personnage mais un recueil fictif du mythe de Cthulhu écrit par un certain Howard Phillips « H.P » Lovecraft. Il est évoqué, sans le nommer, par l’auteur pour la première fois en 1921 dans La Cité Sans Nom dans lequel nous découvrons l’auteur (fictif) de l’ouvrage, le « dément » Abdul al-Hazred. Mais ce n’est qu’en 1923, dans la nouvelle « Le Molosse » (The Hound) que le nom du recueil est dévoilé. Livre de culte, de magie, l’auteur américain dévoile le Necronomicon comme une origine aux Grands Anciens, des créatures extraterrestres, dont le plus connu est un certain Cthulhu, dans la nouvelle « L’Appel de Cthulhu » de 1928 (21). Au fil des années, le Nécronomicon est devenu une véritable source d’inspiration dans tous les domaines de la culture. Jeux vidéo, cinéma, musique, littérature, le Necronomicon est omniprésent dans un nombre incalculable d’œuvres. Certains pensent même qu’au delà de la fiction, l’ouvrage existerait vraiment tant Lovecraft y a mis les formes pour rendre ses récits liés au Necronomicon plus vrais que nature, mais là n’est pas le sujet (22). Le Necronomicon aurait la particularité d’être maudit et quiconque le lirait deviendrait fou.
Intéressons nous à l’éveil de Necronomicon dans Persona 5. Voici ce qu’il dit:
« What denies you is an illusion… A curse put upon you by the heartless… You knew from the very beginning… And yet, you cowered in fear…
Ce que tu nies est une illusion… Une malédiction t’as été lancée par les sans cœurs… Tu le savais depuis le tout début… Et pourtant, tu t’es recroquevillée dans la peur…
Will you die as you are told…? Who will you obey…? Cursed words spat out by a seething illusion? Or the truth within your own soul?
Mourras-tu comme on te le dit…? A qui obéiras-tu…? Aux mots maudits crachés par une illusion bouillonnante? Ou à la vérité au plus profond de ton âme?
Contract…I am thou, thou art I…The forbidden wisdom has been revealed. No mysteries…no illusions shall deceive you any longer. »
Contrat… Je suis toi, tu es moi… La sagesse interdite a été révélée. Pas de mystères… aucune illusion ne te trompera plus.
Ces quelques phrases renvoient directement à la malédiction que l’on octroie au livre fictif de Lovecraft et par extension au triste sort de Futaba. La « folie », accentuée par le sentiment de culpabilité qui la ronge, ayant gagné la jeune fille après le décès de sa mère renvoie aux conséquences liés au mystérieux ouvrage. On pourrait également aller plus loin dans l’analyse, le palais de la jeune fille est une pyramide située dans un désert aride ce qui pourrait évoqué la fameuse Cité Sans Nom de 1921? Le « dément » Al-Hazred en avait écrit ces vers (23):
»That is not dead which can eternal lie
N’est pas mort celui qui repose éternellement
And with strange aeons even death may die«
Et dans d’étranges ères même la mort peut mourir
Le design de Necronomicon dans Persona 5 fait quant à lui référence (probablement) aux Grands Anciens décrits dans le livre d’Al-Hazred. En forme d’OVNI (pour ne pas dire soucoupe volante), son intérieur est une véritable mine technologique liée aux compétences informatiques de Futaba.
(20) Persona Derrière le masque volume 2 – Chapitre 3 – Galerie de portraits – pages 106 et 107