Avant toute chose, faisons un rapide retour en arrière. Après Alone in The Dark, sorti en 1992, Frédérick Raynal se lance dans un nouveau projet: Little Big Adventure (de son nom complet Little Big Adventure: Twinsen’s Adventure). Pour ce faire, il fonde, avec d’anciens développeurs ayant travaillé à ses côtés sur AitD, le studio Adeline Software International. Deux ans plus tard, en 1994, Little Big Adventure sort (sous la coupe d’Electronic Arts en Europe), dans un premier temps sur PC, puis en 1997 sur PlayStation première du nom. Très vite, le jeu devient un classique du jeu d’aventure et gardera cette aura tout au long de son existence. Adeline Software s’attelle au développement d’un second épisode, l’épisode le plus apprécié des joueurs, qui sort en 1997 uniquement sur PC. Depuis, LBA a toujours plus ou moins su traverser les générations. En 2011, le premier épisode est rendu compatible sur les versions modernes de Windows et Mac par GOG.com, en 2014, DotEmu sort un portage sur Android et iOS puis sur Windows. En 2022, le studio [2.21] (qui compte dans ses rangs un certain Didier Chanfray, co-fondateur du studio) acquiert la propriété intellectuelle de la licence et renomme le premier jeu Little Big Adventure Classic. Un reboot est en cours de développement dès 2021 mais faute d’éditeur, le projet est annulé après un an et demi de travail. C’est donc finalement l’idée d’un remastered du premier opus qui nait dans l’esprit du studio, un remastered qui va finalement se transformer en remake nommé Little Big Adventure Twinsen’s Quest en collaboration avec Microids à l’édition.
Le projet démarre en février 2023, le contrat d’édition est signé en octobre de la même année pour n’être annoncé que plusieurs mois plus tard le 26 juin 2024 pour une date de sortie dans le courant de la fin d’année afin de célébrer comme il se doit les 30 ans de la licence. Chose promise, chose due, Little Big Adventure Twinsen’s Quest arrive puisqu’il sera disponible sur PS4, PS5, Nintendo Switch et PC le 14 novembre 2024 en version numérique. Une édition physique sortira dans quelques semaines, le 5 décembre, sur PS5 et Nintendo Switch ainsi que les versions numériques Xbox One et Series S/X. Pour ma part, je suis partie à la découverte aussi bien de ce remake que de l’aventure en elle-même ne l’ayant pas fait à l’époque. La formule des années 90 remise au goût de 2024 peut-elle toujours faire mouche? C’est la réponse à laquelle je vais tenter de répondre dans ce test.
Version | Numérique sur PS5, fournie par l’éditeur |
Temps de jeu | Environ 13h |
Histoire terminée | Oui |
Complétion totale | 54% des trophées |
Difficulté | Unique |
Genre(s) | Action, Aventure, Casse-tête |
Date de sortie | 14 novembre 2024 en version numérique, 5 décembre 2024 en édition physique |
Prix (maximum conseillé) | 29€99 en version numérique, 39€99 en version physique |
Plateforme(s) | PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series S/X, Nintendo Switch et PC |
Voix | Français, Anglais, Allemand |
Textes | Anglais, Français, Allemand, Espagnol, Italien, Néerlandais, Portugais, Russe |
Connexion obligatoire | Non |
Twinsen et sa soeur Luna, deux Quetchs, vivent sur l’île de la Citadelle sur le planètoïde Twinsun, une ville où il faisait bon vivre jusqu’à ce que le Dr. FunFrock vienne semer la pagaille. Savant fou adepte du clonage et de la téléportation, il prend le contrôle de toute la planète, et semble particulièrement s’intéresser à nos deux Quetchs. Il enferme dans un premier temps Twinsen qui réussit à s’échapper de sa prison, pour finalement se tourner vers la capture de sa petite sœur. Twinsen, fugitif activement recherché, va donc se lancer dans le sauvetage de sa sœur mais ce qu’il ignorait c’est que sa famille renferme un immense secret.
C’est peu ou prou le postulat de départ de ce remake de LBA. Et si les fervents admirateurs du jeu original auront vite compris les premières subtilités scénaristiques dans ce dernier, il n’en reste pas moins que cette nouvelle mouture garde les grandes lignes de son matériau d’origine tout en y apportant quelques nouveautés. Nouveautés que je me garderai bien évidemment de vous révéler afin de laisser le plaisir de découverte intacte à tout joueur qui (re)partira dans cette petite grande aventure.
Sous ses airs comiques et enfantins, Little Big Adventure cache un fond beaucoup plus mature et sérieux. On parle ici de toute une planète sous le joug du régime totalitaire d’un dictateur, un peu savant fou sur les bords, rien de très réjouissant, et d’un peuple tout entier qui veut regagner sa liberté, mais dans un univers coloré et enfantin, peuplé de créatures animalières le tout saupoudré d’une bonne dose d’humour, de légèreté et parsemé d’une pincée de magie. En découle un scénario qui n’a pas pris une ride malgré ses 30 printemps et qui fera mouche aussi bien sur les fans de la première heure que sur les nouveaux venus (personnellement, ça a très bien fonctionné sur moi).
Manette en main, LBA a gardé les bases du jeu original de 1994, mais que les fans se rassurent, le tout a été modernisé et surtout la maniabilité de Twinsen a été revue et surtout corrigée tout en abandonnant certaines mécaniques. Comme à l’époque ce remake s’orne d’une très belle vue en 3D isométrique avec un déplacement libre (pour ceux qui n’aurait pas joué au jeu original, LBA se jouait tel un Tomb Raider ou Resident Evil, une seule flèche pour avancer, les autres pour pivoter), une esquive et une caméra qui suit le personnage (qui était fixe il y a 3 décennies). Gros travail donc sur le maniement de notre personnage qui s’avérait souvent un tantinet chaotique à l’époque.
Little Big Adventure se divise en 2 temps: l’exploration et les combats. Imaginez un jeu qui se dessine autour d’une gigantesque énigme. En effet, Little Big Adventure fait partie de ces jeux (une volonté assumée de Frédérick Raynal à l’époque) où vous êtes livrés à vous-mêmes pour atteindre votre objectif principal (rappelons le, retrouver et sauver Luna). Ainsi donc, le jeu d’Adeline et aujourd’hui de [2.21] propose à ses joueurs de suivre son histoire de façon entièrement « organique ». En d’autres termes n’espérez pas avoir un énorme icône clignotant vous indiquant où aller. Il faut aller chercher sa prochaine étape, bien souvent en parlant à des habitants de Twinsun qui vous aiguilleront vers votre objectif, vous donnerons des pistes à explorer, tout en prenant soin d’agrémenter notre carnet d’aventure pour garder toute trace des indices récoltés.
Autant vous dire que quand on est pas (plus) habitués à ce genre de game design, le début de Little Big Adventure peut s’avérer compliqué ou plutôt exigeant demandant donc un peu d’investissement et de compréhension. Une fois le coup de main pris, ça coule de source, et le système, bien que très old-school, nous scotche à notre manette. Là encore [2.21] ne s’est pas contenté de faire un copier-coller du matériau d’origine puisqu’à de nombreuses reprises certaines étapes ont été modifiées pour les rendre plus modernes, plus logiques, plus organiques (oui, j’ai en de rares occasions voulu profiter de soluces publiées jadis mais les passages en question ayant été modifiés, j’ai donc pu me rendre compte de ces quelques différences).
Du côté des combats, deux choix s’offrent à nous: le corps à corps à coup de poings, ou la balle magique (pour laisser intacte la découverte aux nouveaux venus dans l’aventure, je tairai toute explication la concernant). C’est évidemment la balle qui nous servira d’arme de prédilection tout au long de notre mission de sauvetage. Viser et lancer sur nos ennemis, voilà ce qu’il faudra maitriser en priorité avant d’espérer pouvoir se frayer un chemin parmi tous les clones de FunFrock. Car sur le papier, avec une trajectoire visible et modifiable, ainsi que le verrouillage de nos ennemis (qui sont particulièrement agressifs), le gameplay en combat se veut plutôt classique mais nécessite tout de même un petit temps d’adaptation (les premiers affrontements se soldent bien souvent par un game over).
En ce qui concerne le déplacement de Twinsen, il faudra également apprendre à l’aborder et le maîtriser malgré le travail effectué sur cette nouvelle itération. Alliant une certaine rigidité avec un effet un peu guimauve dans ses animations, les déplacements, mais aussi les phases de sauts peuvent bien souvent s’avérer fastidieuses. Une maniabilité déjà bien ancrée dans le jeu d’origine mais qui à l’époque était aussi bien moins facile. Pour ce qui est des changements, [2.21] a abandonné le système d’humeur qui en 2024 aurait été un peu trop difficile à maitriser. On a donc tout simplement un mode sprint et un mode marche dans lesquelles toutes les actions sont possibles (à l’époque il fallait être en mode normal pour pouvoir parler aux PNJ, en mode sportif pour sauter, en mode agressif pour attaquer au corps à corps et en mode discret pour se cacher ou passer en mode furtif) rendant donc le gameplay plus fluide et surtout beaucoup plus intuitif.
Le plus gros changement dans ce remake est évidemment visuel. Nouveaux graphismes, mais surtout toute nouvelle direction artistique, revue, corrigée, améliorée, modernisée, tout en conservant l’aura du jeu d’origine. On a donc face à nous un jeu très « cartoonesque », coloré, et visuellement enchanteur. A la manière du remake de Link’s Awakening, celui de Little Big Adventure lui redonne une seconde jeunesse, tout en ayant gardé tout le charme qu’il avait déjà dans les années 90. Le remake offre donc une aventure haute en couleurs, sublimée par une charmante direction artistique. A l’époque, LBA était considéré comme un jeu en monde ouvert et si ce n’est plus vraiment vrai aujourd’hui, le jeu étant plus proche d’un monde semi-ouvert doté de plusieurs îles à explorer, on apprécié la diversité de ses différents biomes et leur palette de couleurs.
L’OST quant à elle est la même qu’à l’époque à la différence qu’elle a été entièrement réorchestrée par Philippe Vachey (également compositeur sur… Alone in the Dark mais aussi Little Big Adventure 1 et 2). Là encore, le travail de modernisation est palpable tout en conservant l’identité musicale du titre.
Concernant le doublage, il faut savoir que Little Big Adventure version 2024 jouit de nouveau d’un doublage entièrement en français (ainsi qu’en anglais et en allemand). Un doublage très qualitatif, très old-school lui aussi, très caricatural pour de nombreux personnages (FunFrock en tête). Malheureusement pour les fans du jeu, les comédiens de doublages de l’époque n’ont pas été repris (ou pas pu être repris pour diverses raisons possibles) mais il faut souligner la qualité de ce nouveau doublage qui propose un peu de fraicheur tout en ayant la volonté de garder l’identité du matériau d’origine. En effet, la voix si caractéristique de Sylvain Caruso a été remplacée par celle de Benjamin Bollen (notre Chadley national dans FF VII Remake et Rebirth). Zoé est interprétée par Laetitia Lefebvre (face à Julie Bataille en 1994) voix française récurrente d’Emily Blunt et Michelle Rodriguez, Armelle Gallaud, voix française de Sojourn d’Overwatch 1 et 2, a obtenu le rôle de Luna et le Dr. Funfrock est doublé par Serge Thiriet (remplaçant Pierre-Alain de Garrigues de la version d’origine), exceptionnel en tant que Scolar Visari dans Killzone 2.
Avec Little Big Adventure Twinsen’s Quest, le jeune studio [2.21] ne s’est pas attelé à un projet de petite envergure, de surcroit pour un premier jeu. Ramener un classique du jeu vidéo sous forme de remake n’est jamais chose facile, car il faut contenter les fans de la première heure mais aussi attirer un nouveau public curieux. Force est de constater que dans sa manœuvre, le studio s’en sort avec brio. Tout en gardant le game design si caractéristique (et exigeant) des années 90 et en le modernisant, quitte à littéralement faire valdinguer certaines mécaniques, ce remake est une franche réussite. Gameplay plus intuitif, direction artistique revisitée, réinventée même, scénario réimaginé, OST sublimée, tout est coché pour livrer une version 2024 aux petits oignons tout en conservant un amour profond pour son matériau d’origine sans le dénaturer. Si les premières heures déroutent pour les moins habitués aux « oldies », l’aventure vaut la peine d’être vécue. Petite par la taille, grande par son aura!
- Le retour d’un classique 30 ans après sa sortie initiale, ça fait toujours plaisir
- Un univers humoristique avec un fond mature
- Le gameplay plus intuitif qui répond aux standards actuels tout en gardant l’esprit « old-school »
- Le déroulement de l’histoire très organique
- La direction artistique fabuleuse
- L’OST sublimée
- Le nouveau doublage français très qualitatif
- L’animation de Twinsen, entre rigidité et effet guimauve, peut s’avérer fastidieux lors des phases de saut
- Inclure Little Big Adventure Classic aurait été un plus