Avant d’être un jeu vidéo, Les Fourmis est un roman, le premier d’une trilogie, écrit par Bernard Werber et est publié en 1991. S’en est découlé un succès planétaire pour ce livre au thème atypique, traduit en une trentaine de langues, qui alterne entre le monde des humains et celui des fourmis. Et en ce temps là, les adaptations avaient déjà le vent en poupe. En 1994, Les Fourmis est adapté en bande-dessinée par Bernard Werber lui-même et Patrick Serres au dessin. En 2000, c’est une première adaptation en jeu vidéo qui voit le jour, uniquement sur PC. Sobrement nommée Les Fourmis, elle est le fruit d’une collaboration entre l’auteur et… (déjà) Microids. Et à l’époque, le genre était déjà tout trouvé: oui, c’était aussi un STR (Stratégie en Temps Réel).
Vingt quatre ans après cette première adaptation, Bernard Werber, Microids, et le studio Tower Five, basé à La Rochelle (qui a également œuvré sur Agatha Christie The ABC Murders), redonnent un grand coup dans la fourmilière pour nous proposer une nouvelle adaptation du célèbre roman. Remake, reboot ou nouvelle itération? La communication restant assez floue à ce sujet, on partira du principe que Les Fourmis dans cette version 2024 est une nouvelle adaptation totalement indépendante de l’opus de 2000. Les Fourmis, ou Empire of the Ants dans la langue de Shakespeare, sera disponible le 7 novembre 2024 sur PlayStation 5, Xbox Series S/X et PC. Les joueurs ayant précommandé l’édition Deluxe numérique pourront y jouer dès le 4 novembre. En ce qui me concerne j’ai eu l’immense chance de pouvoir y jouer et le terminer pour vous en proposer mon test avant sa sortie! Verdict: j’ai adoré!
Version | Numérique sur PS5, fournie par l’éditeur |
Temps de jeu | Environ 19h |
Histoire terminée | Oui |
Complétion totale | 22% des trophées |
Difficulté | Unique |
Genre(s) | Aventure, STR |
Date de sortie | 7 novembre 2024 (ou 4 novembre pour les détenteurs de l’édition Deluxe) |
Prix (maximum conseillé) | 39€99 (ou 49€99 en version physique) |
Plateforme(s) | PS5, Xbox Series S/X et PC |
Voix | / |
Textes | Français, Anglais, Italien, Allemand, Espagnol, Japonais, Polonais, Russe, Chinois traditionnel et simplifié, Coréen, Portugais |
Connexion obligatoire | Non |
Dans la forêt de Fontainebleau, nous incarnons la fourmi soldate 103 683e de la colonie de Bel-o-Kan. La vie de fourmi ne se résume pas à servir sa reine ni à remplir les stocks de nourritures, il faut aussi protéger sa colonie des dangers alentours, des autres espèces, d’autres fourmis ou même des prédateurs. C’est dans cette voie que va se diriger l’histoire de cette nouvelle adaptation et nous faire traverser les différentes saisons.
« Le monde de l’infiniment petit s’apprête à livrer sa plus grande bataille »
Pour ceux qui connaissent l’œuvre originale, sachez que le jeu abandonne toute la partie humaine du roman (menée par l’intrigue autour de Jonathan Wells) pour se concentrer sur le monde des fourmis. Nous y suivons donc 103 683e, une soldate de prime abord insignifiante mais qui dévoile peu à peu son talent pour la stratégie, votre stratégie, et révèle avoir un rôle décisif pour la survie de sa colonie mais aussi pour la fédération toute entière. On retrouve donc dans cette adaptation les noms et lieux du roman. Du nom de son personnage principal, en passant par les noms des colonies et de leurs reines respectives, toutes éparpillées dans la forêt de Fontainebleau (en Seine et Marne).
Si le scénario et la narration ne passionnent pas forcément les foules, on se retrouve simplement mêlés à une guerre macroscopique entre toutes sortes d’espèces d’insectes, ils promettent néanmoins un univers particulièrement fourni, notamment grâce aux phéromones mémoires éparpillés ci et là aux abords des différentes colonies qui permettent de donner un contexte à ce qui se passera sous nos yeux. En découle finalement une histoire somme toute très simple, classique même pour un jeu de stratégie mais dont l’originalité des protagonistes la rendent prenante.
A l’instar de sa première adaptation des années 2000, cette nouvelle itération des Fourmis est un STR (Stratégie en Temps Réel, également connu sous l’acronyme anglophone RTS, Real Time Strategy) en 3D, oui, mais en vue à la troisième personne fourmi. Cela implique que contrairement à ses homologues StarCraft 2, Company of Heroes, ou encore Age of Empires (pour ne citer que ces quelques exemples), nous incarnons directement notre commandante en plein milieu du champ de bataille pour abandonner la célèbre vue du dessus, si caractéristique au genre. Mais si jeu de stratégie il est, il propose néanmoins plusieurs types de missions, allant, bien évidemment, des missions de stratégie, mais aussi tactiques ou encore d’exploration.
Ainsi, 103 683e est propulsée au rang de commandante des opérations pouvant se mouvoir au milieu de ses unités et des unités ennemies, avec une barre de vie et une d’endurance, lui permettant d’explorer la zone de combat, pour y trouver par exemple des papillons monarques et compléter sa « collection » mais aussi servir d’éclaireuse pour localiser les nids ennemis, les réserves de bois et de nourritures ainsi que les factions ennemies en mouvement. Elle peut également, lors des missions d’exploration, partir à la recherche de fourmis égarées ou encore partir à la chasse de lucioles. Si ces missions ne requiert pas vraiment de talents stratégiques particuliers, elles demandent néanmoins d’être vigilants sur nos environnements et faire preuve d’une certaine rapidité et dextérité. 103 683e peut sauter et courir sur toutes les surfaces qui peuvent se retrouver sous ses 6 pattes, d’un morceau d’écorce à la tige d’une fleur. Néanmoins, la maniabilité de notre fourmi pourra se voir parfois entachée par une caméra souvent capricieuse qui nous désorientera facilement notamment lorsqu’elle se calibre d’un peu trop près sur notre insecte.
Mais le but principal du jeu est évidemment de mener des batailles stratégiques dont l’objectif est de détruire le nid dit « quartier général » de nos ennemis. Dans une large zone, 103 683e doit donc commander des unités pour l’atteindre tout en affaiblissant ses adversaires en cours de route. On commence une mission, la plupart du temps, avec un seul nid (notre QG) et une seule unité. Chaque nid peut accueillir une seule faction (guerrière, artilleuse, ouvrière, soutien ou prédateur). Son nombre de chambres, limité, lui permet également d’être amélioré en défense ou encore permettre aux unités de gagner en puissance mais aussi de débloquer des pouvoirs (les phéromones) pour notre petite soldate, d’agrandir notre stockage, le tout contre un certain nombre de ressources. De plus, le système de saisons a également un impact sur le gameplay, chaque saison, chaque météo, a un impact sur nos batailles, octroyant « buffs » et « debuffs », par exemple le temps de production de ressources. Tout énumérer ici serait évidemment contre productif, mais dans l’ensemble vous avez l’idée.
Mêlant attaque des unités et nids ennemis et défense de nos propres nids, Les Fourmis dévoile donc son potentiel stratégique au fil des batailles avec un système de forces et de faiblesses lié à un code couleur des unités. Ainsi, à partir du moment où nous maitrisons cet aspect, les combats dévoilent un système de combat grisant et intuitif mais surtout accessible. Je ne vais pas vous mentir, le genre STR n’est pas vraiment ma tasse de thé, non pas que je n’aime pas ça mais je me révèle être une déplorable stratège dans ce genre de jeux. Si un jour je me retrouve à la tête d’une unité, fuyez pauvres fous, votre survie avec moi n’est pas assurée. En l’occurrence, les Fourmis a révélé en moi un talent qui m’était encore inconnu: la patience. La patience a été pour moi décisive pour réussir des combats qui se voulaient de prime abord particulièrement difficiles et pour lesquels j’ai dû faire preuve d’ingéniosité et réajuster ma stratégie.
En découle des Fourmis, un gameplay d’une certaine richesse bien qu’il propose toutes ses fonctionnalités dès les premières heures de jeu. En effet, chaque fonctionnalité de nid est accessible dès les premiers combats, des unités disponibles en passant par les phéromones (les pouvoirs) ainsi que les installations de défenses et améliorations. Pour autant, elles sont personnalisables dans la colonie du moment, le HUB central, permettant de choisir l’unité présente par défaut au début d’une bataille, le prédateur et le soutien que nous préférons, ou encore les phéromones que nous souhaitons utiliser. A nous de les exploiter comme nous le souhaitons lors de chaque bataille.
Les Fourmis peut donc être un jeu qui se dévoile parfois difficile, ou plutôt exigeant mais jamais punitif. En effet, chaque chapitre se compose d’un certain nombre de missions (de types différents) mais le jeu n’oblige pas de toutes les faire avant de pouvoir passer au chapitre suivant. Ainsi, vous pourrez prioriser les missions d’exploration, par exemple, qui se révèlent plus « faciles » et moins longues et ne vous adonner qu’à quelques batailles. Le jeu se veut donc particulièrement amical pour les néophytes tout en contentant les plus fervents stratèges qui peuvent décider de livrer toutes les batailles disponibles.
Cela permet d’une part d’attirer un public plus large mais également de faire varier sa durée de vie. Ainsi vous pourrez tout aussi bien terminer l’histoire en une vingtaine d’heures comme en beaucoup plus si vous décidez de tout terminer. De plus, le jeu dispose d’un mode multijoueurs avec un mode en 1v1 contre un inconnu, un ami ou l’IA (si vous cloisonnez un peu plus vos parties) et un mode à 3 joueurs sous les règles du chacun pour soi. Je ne vais pas vous mentir, je n’ai pas essayé ces modes pendant mes sessions de tests.
Si vous avez lu jusqu’ici et que vous vous êtes arrêtés sur les captures d’écrans (maison) qui illustrent ce test, vous l’avez compris: Les Fourmis est d’une beauté déconcertante. Développé avec l’Unreal Engine 5, le jeu de Tower Five est un véritable bonbon pour nos pupilles dont le photoréalisme de ce microcosme est absolument magnifique. De plus, le jeu utilise la technique de la photogrammétrie, technique connue dans Flight Simulator ou encore la reconstruction de Notre-Dame-de-Paris dans Assassin’s Creed Unity par exemple.
Cette technique repose sur la modélisation rigoureuse et méticuleuse de la géométrie des images et de leur acquisition afin de reconstituer une copie 3D exacte de la réalité (source: Wikipédia). C’est grâce à elle que Les Fourmis propose des décors qui nous subjuguent, parsemés d’objets issus de la vie humaine (un pneu, un jouet, un ballon, etc), des objets naturels (une pomme de pain, une poire), ou des espèces d’animaux (un papillon, une araignée, à savoir qu’un mode arachnophobe est toutefois disponible, ou encore une limace) d’un niveau de détails faramineux, laissant place à un dépaysement total. L’espace de quelques heures nous sommes une fourmi, et nous voyons le monde à cette échelle, de cette hauteur. Et le rendu est absolument incroyable. Mon seul regret (et je vais rejoindre mon collègue pour les nombreuses fois où il l’évoque dans ses tests) étant l’absence d’un mode photo pour un jeu aussi beau. Un mode qui nous permettrait de capturer par exemple certaines actions durant les combats et les sublimeraient (vous avez déjà vu une fourmi faire valdinguer une termite?)
Le sound design n’est pas en reste puisque les sons ambiants ont été capturés dans différentes forêts françaises. En résulte une expérience particulièrement immersive, aussi contemplative qu’auditive, le tout est agrémenté par la somptueuse et épique bande originale composée par Mathieu Alvado (Rayman Origins, Rayman Legends) et Mark Choi (qui a œuvré sur le très acclamé Baldur’s Gate 3 sur les arrangements au piano ou encore Princesse Mononoké).
Dès son annonce le 24 janvier 2023, cette adaptation des Fourmis de Bernard Werber a piqué ma curiosité. Comment allait donc se dessiner ce jeu dont les protagonistes sont de simples insectes? Un jeu de stratégie de surcroit? Pour ceux qui ont fait la première adaptation des années 2000, aucune surprise. Pour moi, le concept est tout nouveau, et la beauté de ses nombreuses bande-annonce ont clairement fait monter une certaine impatience en moi. Et grand bien m’en ait fait. Les Fourmis est un véritable coup de cœur, ludique et graphique, tant il m’a autant permis de sortir de ma zone de confort que de me dépayser une vingtaine d’heures durant dans ce monde microscopique, découvrant des choses de la vie quotidienne à une toute nouvelle échelle. S’il peut avoir de nombreux défauts pour les fins connaisseurs du genre, pour moi, Les Fourmis marquera ma culture vidéoludique de son empreinte. Un jeu captivant par son gameplay, hypnotisant par sa beauté, qui oscille brillamment entre l’exigence d’un jeu de stratégie et la douce évasion dans un univers hors du commun.
- Un jeu de stratégie en 3D dans lequel on se balade sur le champ de bataille
- Exigeant tout en étant accessible grâce à son code couleur
- Une durée de vie malléable avec une liberté d’approche
- La variété des missions
- D’une beauté déconcertante
- Techniquement irréprochable
- Le sound-design immersif
- L’OST magnifique
- La caméra qui fait parfois n’importe quoi
- L’absence de mode photo