Alone In The Dark, sorti en 1992, créé par Frederick Raynal et édité par Infogrames, est considéré comme le précurseur du genre Survival-Horror, inspirant notamment un certain Shinji Mikami pour Resident Evil quelques années plus tard. Les années passent et Alone in the Dark continue d’être sur la scène vidéoludique. Jusqu’au silence radio après Alone In The Dark Illumination (2015 – PC). Puis, en 2022, THQ Nordic (qui a racheté les droits de la licence en 2018) annonce un nouvel opus, tout simplement nommé Alone in The Dark. Remake? Reboot? Tout ce que l’on sait c’est que le jeu intègrera les personnages des 3 premiers jeux. Réalisé par Mikael Hedberg (SOMA, Amnesia The Dark Descent) et développé par le studio Pieces Interactive (Magicka 2, Titan Quest), ce nouvel Alone in the Dark est sorti, après de nombreux reports, le 20 mars 2024 sur PC, PS5 et Xbox Series.
Version | Physique sur PS5 achetée par mes soins |
Temps de jeu | 16h |
Histoire terminée | Oui (2 fois) |
Complétion totale | 66% des trophées |
Difficulté | Normal + facile |
Genre(s) | Action, Aventure, “survival-horror” |
Date de sortie | 20 mars 2024 |
Prix (maximum conseillé) | 59€99 |
Plateforme(s) | PlayStation 5, Xbox Series, PC |
Voix | Allemand, Anglais, Français, Japonais |
Textes | Allemand, Anglais, Chinois simplifié et traditionnel, Coréen, Espagnol, Français, Hindi, Italien, Japonais, Polonais, Portugais, Russe |
« Derrière une ligne de vieilles ronces ébouriffées pour seule clôture et un portail rouillé qui semblait ne tenir que par quelque malédiction, elle se dressait de toute son arrogance décharnée. […] Ce ne pouvait pas être l’antre de la folie, la maison du démon, Derceto. »
Ces mots qui ouvrent les pages du livre Les Dossiers Alone in The Dark de Nicolas Deneschau résonnent en moi alors que je m’apprête à lancer ce nouvel opus de la licence créée par Frédérick Raynal. Parce que je n’ai jamais passé les portes de Derceto, j’appréhende déjà, et j’avance à petits pas vers la découverte de qui s’annonce être un hommage à l' »Alone » des années 90.
Tout comme le premier jeu, notre visite de ce manoir, Derceto, devenu un asile psychiatrique, prend place dans les années 1920, sans plus de précisions. Nous rencontrons Emily Hartwood (Jodie Comer), nièce de Jeremy Hartwood (Paul Mercier), un pensionnaire du manoir, et Edward Carnby (David Harbour), détective privé engagé par cette dernière pour retrouver les traces de son oncle disparu. Alors qu’ils se lancent tous deux à sa recherche, ils découvrent une sombre histoire qui entoure le manoir et ses habitants. Derceto renferme bien des secrets et des mystères.
Ici, pas de zombies, pas de virus, juste un manoir poussiéreux et glauque dans lequel nous déambulons pour trouver nos réponses. Alors que le jeu de Frédérick Raynal des années 90 a inspiré un certain Resident Evil, la tendance s’est ici inversée, Mikael Hedberg avouant lui-même s’être inspiré des remakes de Resident Evil 2 et 3 pour réaliser ce remake/reboot. Mais les mots du réalisateur ne sont pas à prendre au pied de la lettre: Alone in the Dark n’a rien de semblable à la licence de Capcom et encore moins à ses récents remakes. Si on l’étiquette survival-horror, la survie est mise au second plan pour se diriger plutôt vers une expérience psychologique qui vient briser la mince frontière entre le réel et l’irréel.
Cet épisode n’a pas à vocation de nous faire peur comme on l’entend habituellement. Pas de sursauts (ou en de très rares cas), peu d’ennemis (qui ne nous décrocherai même un peu de dégoût), il n’incarne pas le survival-horror à proprement parlé. Il dévoile au fil des heures un mélange de thriller et de polar dont les pièces du puzzle se révèleront à nous au fil des heures, révélant au passage des références au premier jeu, flagrantes, donnant une dimension d’hommage tel que voulu par le studio.
De plus, le jeu nous propose d’incarner l’un ou l’autre personnage après une courte introduction (dont les premières secondes rappellent indéniablement celle de 92). Si l’histoire et son déroulement se révèlent être foncièrement identiques, chaque « histoire » a son lot de subtilités narratives. L’une se concentrera sur la psychologie du détective Carnby ainsi que son passé, l’autre sur celle de Mademoiselle Hartwood, prédisposée à la malédiction de sa famille. De cette façon, au delà de proposer une rejouabilité certaine après un premier parcours, cette initiative permet aussi de développer le lore du jeu et le point de vue des personnages. Nous remarquons aussi la distinction de certains échanges ou encore la différence de certaines scènes en fonction du protagoniste choisi (je pense notamment au lieu où chacun rencontre Ruth, l’une des pensionnaires).
Le jeu s’articule sur l’exploration de fond en comble de cette maison de fous (sans mauvais jeu de mots) à la recherche d’indices, de réponses, et nous demandant de résoudre de nombreuses énigmes. Parfois simples et intuitives, parfois un tantinet plus complexes mais jamais insurmontables ou qui demanderaient de longues heures de réflexions, c’est en revanche l’entièreté du manoir qui est exploitée pour nous plonger dans cette enquête, nous faisant passer par ses nombreuses chambres, sous-sol et autres pièces de vie. Quoi qu’il en soit, en ayant fait le jeu 2 fois, jamais je n’ai ressenti de lassitude quant à ses énigmes et puzzles à reconstituer, tant ils m’ont semblé ingénieux et tout à fait cohérents avec l’univers.
En effet, si l’on joue le jeu de l’exploration, Alone in the Dark nous propose aussi son lot d’objets à collectionner qui trouvent leur importance dès que nous en avons trouvé certains. Entre développement du lore, et déblocage de scènes supplémentaires, dont des fins alternatives, et même d’armes, quel plaisir ce fut de découvrir un jeu dont la collectionnite d’objets à première vue inutiles, récompensent les joueurs les plus curieux.
Mais Alone in the Dark est également en de rares cas la scène de combats armés, dont l’approche revient à chaque joueur. Soit on approche les combats de façon furtive, soit on rentre dans le tas et on lance une pluie de balles sur nos assaillants. Pour cette deuxième approche, il est clair que cet épisode détient sa première ombre au tableau. En effet les « gunfights » se révèlent peu percutants, dont le sentiment d’urgence est aux abonnés absents, loin des standards du genre.
Développé sous l’Unreal Engine 4, Alone in the Dark peut visuellement décevoir. Si on reconnait sans mal les 2 protagonistes principaux, certaines expressions faciales peuvent être en deçà des espérances. Pour autant, le jeu d’acteur de Jodie Comer (Free Guy) et David Harbour (Stranger Things) n’en reste pas moins immersif et réussi. Deux personnages pour deux états d’esprits différents, du détective au passé peu reluisant face à la nièce apeurée portée par son courage et sa détermination, le duo fonctionne parfaitement.
Mais ce qu’on ne peut enlever à Alone in the Dark c’est son ambiance. Oppressante, angoissante, inquiétante, mais surtout… Lovecraftienne. Et c’était toute l’identité du jeu de 1992, dont l’appartenance à l’univers d’H.P Lovecraft (là encore lisez le livre de Nicolas Deneschau pour tous les secrets de développement) était indubitable, qui a été scrupuleusement reprise et remise au goût du jour ici.
Oui, Alone in the Dark est loin des standards graphiques d’aujourd’hui, indigne des consoles actuelles pourront dire certains. Et pourtant quel inexorable ambiance, fascinante, portée par une photographie presque cinématographique. N’espérez pas vous lancer dans une vitrine graphique mais espérez plutôt une expérience visuelle et sonore qui tire son identité sur l’atmosphère de ses environnements.
Malheureusement pour lui, on ne pourra pas non plus lui ignorer ces nombreuses faiblesses techniques. Malgré plusieurs mises à jour, le souffre encore de nombreux bugs de collisions (je me suis souvent retrouvée coincée dans le décor parfois en m’en dépatouillant), de caméra, d’objets volants et un mode « fidélité » (autrement dit en 30 FPS) qui toussote, parfois à pleins poumons.
En termes de bande son, Alone in the Dark est porté par un doublage français particulièrement réussi. En effet, les 2 acteurs ont pu retrouver leurs comédiens de doublage respectifs, Adeline Chetail est fabuleuse en Emily Hartwood, particulièrement dans une certaine scène dont je tairai les tenants et aboutissants, et Stéphane Pouplard, voix française officielle de David Harbour, est digne de son rôle d’Edward Carnby. Mais le reste du casting français n’est pas en reste pour porter les nombreux personnages du jeu, tous plus zinzins que les autres, en commençant par la petite Grace, que vous êtes nombreux à avoir découverts dans la démo du jeu l’année dernière.
L’OST de Jason Köhnen et Arni Bergur Zöega est elle aussi au rendez-vous pour proposer des pistes cohérentes avec l’univers, qu’elles soient horrifiques ou plus en accord avec les passages dans le manoir menés par des morceaux dignes des années 20. Une première pour le duo dans l’industrie et ils s’en sortent à merveille.
Pour ce qui est de l’ambiance sonore, elle aussi est une franche réussite. Car sans bruitages en tous genres, un jeu « d’horreur » n’aurait pas la même saveur. Entre les bruits de pas, les portes et escaliers qui grincent, le bruit des objets, chaque petit élément sonore apporte son lot de frayeurs et d’angoisse.
Alone in the Dark est loin des standards actuels. Un aspect visuel parfois un tantinet daté pour de la current-gen notamment sur l’expression des visages, un gameplay dans les scènes de tirs qui manque d’impact, des bugs à n’en plus savoir qu’en faire, et pourtant il s’est révélé être un véritable coup de cœur. Une ambiance à couper le souffle, littéralement, l’articulation du gameplay sur l’exploration de Derceto et la résolution d’une affaire à la frontière du réel et de l’irréel, le jeu de Mikael Hedberg, entre reboot et remake du premier jeu de Frédérick Raynal, et hommage à la première trilogie, est un thriller psychologique fascinant et passionnant mené par un duo d’acteurs des plus réussis. Malheureusement, ses défauts ont eu raison de lui, en plus d’être sorti pendant une semaine déjà fort chargée, il a été invisibilisé par Dragon’s Dogma 2 et Rise of the Ronin. En résulte un jeu qui a été pour moi injustement boudé.
- L’ambiance lovecraftienne, une ode aux premiers jeux
- Derceto et ses énigmes
- Un mélange de thriller psychologique et de polar
- L’exploration au cœur de l’affaire
- Enfin des collectibles qui servent à quelque chose
- Le duo Comer/Harbour
- La bande son en général (musiques, bruitages, doublages français)
- Les quelques différences entre les deux histoires
- Les gunfights qui manquent d’impact
- Les expressions faciales légèrement datées
- Encore de nombreux bugs malgré les mises à jour
- Un mode fidélité qui tousse fort
- Impossible de mettre les cinématiques en pause