Sorti en même temps que l’analyse de Matthieu Boutillier sur Cyberpunk 2077, une autre analyse de l’un de mes jeux cultes est sorti le 12 juin chez Third Editions : Deus Ex, sorti en 2000, des mains de Warren Spector et son légendaire studio : Ion Storm. Vingt cinq ans plus tard, pour son premier ouvrage chez l’éditeur toulousain, Anaer nous propose une analyse détaillée du chef d’œuvre légendaire et inoubliable, relatant les mésaventures de JC Denton, face aux Illuminatis en l’an 2052. Je vous propose mon retour (vachement en retard) mais qui restera en tête un sacré paquet de temps.
Editeur
Third Editions
Prix
29€90
Date de sortie
12 juin 2025
Nombre de pages
288
Format
160 x 240 mm
Illustration
Eddie Mendoza
« La raison d’être de Deus Ex était de forcer les joueurs à faire des choix sur la base de leur système de croyances. Ce qui est « bien » et ce qui est « mal », ce n’était pas à nous de le dire ; c’était aux joueurs d’en décider et d’en débattre. Les meilleurs histoires ne dictent pas un message. Si elles entendent saisir pour de vrai la vie telle qu’elle est, alors elles sont par définition imprégnées d’ambiguïté – de choix moraux, d’ironie, d’interprétations multiples. » – Sheldon Pacotti, scénariste de Deus Ex
Sorti en l’an 2000, Deus Ex est autant le bébé de Warren Spector, que de son studio Ion Storm Austin. Oeuvre d’anticipation dystopique, cyberpunk et de Science Fiction, il nous raconte un futur sombre, où le terrorisme est omni présent à travers le globe. Nouvellement intégré au sein de l’UNATCO, une agence antiterroriste internationale sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU), le soldat JC Denton, bardé de nano augmentations partout sur le corps, découvrira vite le pot aux roses : la question du terrorisme est bien plus complexe que ce qu’on veut lui faire croire. Il se retrouve alors au centre d’une conspiration politique mondiale mêlant de nombreuses organisations secrètes où les desseins de chacun ne se révèlent que progressivement. Chef d’œuvre absolu, acclamé autant par la critique que par les joueurs, Deus Ex est bien plus qu’un simple jeu vidéo, notamment grâce à son subtil mélange des genres, la profondeur de son scénario et la crédibilité de son univers marquera les esprits, même 25 ans après sa sortie. C’est l’œuvre conjointe de Warren Spector, Harvey Smith, Sheldon Pacotti, Austin Grossman et toutes les autres personnes qui ont fait du studio Ion Storm le studio légendaire qu’il est devenu au fil du temps, malgré sa fermeture en 2005. Petite précision, s’il en fallait, lors de sa sortie en 2000, Deus Ex qui est un Immersive Sim (si vous ne connaissez pas ce genre bien précis du Jeu Vidéo, je vous laisse faire vos propres recherches) jurait avec tout ce qui sortait à ce moment là, surtout dans le genre du RPG, puisque très loin des œuvres médiévales alors en vigueur. Ici, l’intrigue se passe dans le futur, avec tout ce qui implique de technologies en tous genres.
Pendant 288 pages, Anaer, qui livre ici son premier ouvrage pour Third Editions (après avoir travaillé chez Gamekult en tant que pigiste et livrait pour eux des dossiers, portant notamment sur la musique techno dans le jeu vidéo, ou encore sur l’œuvre de game designers d’avant-garde comme Osamu Satô et Haruhiko Shôno), nous propose à son tour son œuvre personnelle, 25 ans après la sortie de Deus Ex : une analyse d’un détail époustouflant sur Deus Ex. Il prendra le temps de nous présenter l’envers du décor, notamment la vie et la carrière de Warren Spector avant qu’il ne rejoigne le studio. Puis une fois arrivé au tout début du développement de Deus Ex, il rentrera alors dans le vif du sujet : l’envers du décor de l’envers du décor d’un chef d’œuvre intemporel.
« J’en avais plus qu’assez de faire des jeux avec des héros en cotte de mailles qui ressemblaient au Mighty Thor, sauvaient des princesses et terrassaient des vilains sorciers. » – Warren Spector – Les Conspirations de Deus Ex: Cyberanatomie d’un jeu culte – Anaer – Third Editions – page 31
Le livre revient en détail sur chaque étape clé de la création du studio Ion Storm à Austin (y compris pourquoi il sera basé dans cette ville américaine) et prend le temps de nous expliquer ce qui conduira au fait que Deus Ex deviendra ce qu’il deviendra et pourquoi il est devenu bien plus qu’un simple jeu vidéo. Parce que Deus Ex est bien plus qu’un simple jeu vidéo. Il est un RPG en vue FPS qui se déroulera non pas dans le passé, non pas dans le présent mais bel et bien dans un futur dit d’anticipation. Et c’est là que la première pierre vers le miracle sera posé :
« Il ne suffit pas à ce cadre réaliste d’être persuasif, il doit être captivant à parcourir, aussi. C’est en essayant d’imaginer un moyen de surmonter cet obstacle qu’ils trouvent le truc qui va définir toute la trajectoire du projet. Et si, pour ne pas à avoir à coller à cent pour cent à la réalité, on en faisait une œuvre d’anticipation ? » Warren Spector et le reste du studio – Les Conspirations de Deus Ex: Cyberanatomie d’un jeu culte – Anaer – Third Editions – page 42.
Puis vint la seconde pierre sur un miracle qui n’en finit pas de se concrétiser : les fameuses théories du complot qui vont littéralement faire de Deus Ex ce qu’il est, même 25 ans après sa sortie. N’oublions pas qu’à ce moment là, notamment popularisé, en quelques sortes par la série TV X-Files, des millions de personnes à travers le monde se mettent à croire en l’existence de multiples complots, qu’ils soient fantaisistes (ou un peu moins, justement). C’est ainsi que le studio décidera alors de faire un vrai travail de recherche et poussera les potards de toutes les théories du complots connues à cette époque là (post 11 septembre 2001) pour en faire l’intrigue de toutes les intrigues présentes dans Deus Ex. Les puissants dirigeant le monde en secret : check. La « vérité » dissimulée dans la Zone 51 : check. Les « petits gris » : encore check. Je pourrais continuer comme ça durant des heures mais je vais m’arrêter là, vous comprenez où je veux en venir.
Si je ne rentre pas dans les détails, notamment sur le gameplay puisque ce retour serait plus long que l’analyse d’Anaer, sachez que Deus Ex laisse une véritable liberté au joueur d’appréhender la moindre situation. Si vous connaissez la saga, vous savez de quoi je parle. Pour les autres, imaginez une œuvre qui laisse volontairement son joueur se débrouiller comme un grand. Vous devez rentrer dans un bâtiment ? Hé bien, vous pouvez rentrer par la grande porte et vous coltinez tous les gardes. Vous pouvez toujours aussi passer par une fenêtre ouverte plus loin. Ou alors récupérer le mot de passe sur un post it et rentrer en douce. Vous comprenez où je veux en venir, c’est pareil pour les combats. Que ce soit par l’infiltration, le combat ou un mix des deux, le jeu laisse son joueur décider de la marche à suivre. Après tout, vous incarnez un super soldat affrontant le terrorisme. Pas besoin de vous prendre la main, si ?
Nous sommes en septembre 1999. Deus Ex, (qui se prononce Dé-Ous Eks) tel qu’imaginé par Warren Spector et le reste du studio est « prêt », en quelques sortes du moins. D’abord prévu de sortir en 1998, l’éditeur Eidos est sur les dents. Mais le potentiel est là alors l’éditeur accorde au studio une ultime fleur : 9 mois de développement supplémentaire :
« On sait ce que ça voulait dire : le crunch. Je travaillais comme un malade. J’ai quelque fois dormi sous mon bureau, ça en était là. A un moment donné, on faisait tous des heures de dingues. » – Chris, développeur chez Ion Storm Austin – Les Conspirations de Deus Ex: Cyberanatomie d’un jeu culte – Anaer – Third Editions – page 59.
Si l’analyse de l’auteur reviendra point par point sur le gameplay, la vie du studio avant, pendant et après la sortie de Deus Ex, notamment lors de sa fermeture en 2005, la sortie des suites en 2003 (Invisible War), en 2011 (Human Revolution), en 2016 (Mankind Divided), l’auteur va aussi se lancer dans une analyse sociale du fond de l’intrigue, en s’intéressant notamment d’un point de vue philosophique, ultra pointue, en citant notamment d’autres auteurs (Bakhtine, Barthès, Mallarmé et tant d’autres) qui auront permis à l’ensemble du studio mais bien plus encore à ses scénaristes, Sheldon Pacotti en tête, de créer l’univers dans l’univers de Deus Ex.
« Les jeux, bien qu’ils ne soient pas libres des biais idéologiques de leurs créateurs, peuvent montrer les conséquences des décisions – même celles que les créateurs du jeu désapprouvent. C’est ce pouvoir qu’ont les jeux d’offrir non seulement une description de différents points de vue, mais aussi l’occasion d’agir en fonction de ces points de vue et puis d’en gérer les remous – d’en montrer, autant que possible, les conséquences sans s’en remettre au jugement d’un politicard ou d’un créatif » – Warren Spector – Les Conspirations de Deus Ex: Cyberanatomie d’un jeu culte – Anaer – Third Editions – page 243.
Le reste de l’histoire, on la connait tous mais le livre y reviendra en détail. Deus Ex est devenu, au fil du temps, mais directement dès sa sortie, le chef d’œuvre absolu qu’il est et deviendra aux yeux des joueurs et de la presse. Ce qui m’intéresse plus particulièrement, c’est le regard que l’on a sur l’œuvre de toute une vie, 25 ans après sa sortie. Et ça tombe bien puisque l’auteur va là encore y revenir plus qu’en détail et je me permet de vous le dire : c’est d’un croustillant, surtout et notamment sur ses fameuses théories du complot et la réception faite, plus d’un quart de siècles après la sortie du jeu, dans le contexte mondial dans lequel nous évoluons.
Œuvre d’anticipation, j’en ai parlé plus haut, le studio a alors compilé toutes les théories du complot post 11 septembre 2001 (qui a, vous vous doutez bien eu un impact sur les membres du studio). Si certaines sont bien évidemment fausses et ne sont que de la fiction (fort heureusement d’ailleurs), certaines se sont avérées être moins… Fictionnelles (je le dirais comme ça). Par exemple, dans notre monde, nous avons eu les révélations d’Edward Snowden et les multiples programmes d’espionnages de la NSA (PRISM entre autres) mais aussi la faculté qu’ont les agences de renseignement à mentir pour justement créer des écrans de fumée afin de brouiller sciemment les pistes. J’en prend pour exemple ce qu’il se passe sur le sujet des OVNIs aux Etats Unis.
Depuis 2021, aux Etats Unis, le gouvernement fédéral mandate des commissions pour faire toute la lumière sur le phénomène OVNI (depuis renommé PAN pour Phénomène Aerien Non Identifié). Depuis, un organisme, appelé AARO (All-domain anomaly resolution office), un peu l’équivalent de notre GEIPAN français, se charge de faire toute la lumière sur le phénomène et d’en faire des rapports aux sénateurs, qui eux même se chargent de tenir des commissions publiques et de tenir, justement, le public au courant de ce qu’il se passe. Mais ce qu’il nous intéresse, c’est ce qui s’est passé durant l’été 2025. Selon le Wall Street Journal, l’armée américaine aurait volontairement fabriqué de fausses preuves de technologie extraterrestre, et laissé certaines rumeurs se raconter et se développer au fil des années… pour couvrir de véritables programmes d’armement ultra-secrets. On parle ici de photos truquées, de faux briefings sur des engins extraterrestres, et même d’une stratégie de désinformation délibérée menée depuis plusieurs décennies, directement depuis le Pentagone. L’idée, c’est de contrecarrer toutes les révélations faites par les lanceurs d’alerte depuis, à minima 2021 (et même des années avant) et de « casser » la dynamique de révélations qui s’opère depuis le début des commissions en 2021 et donc jeter un flou raisonnable sur les propos émis par des personnes convaincues de leur vécue et désireuse de faire la lumière sur un phénomène qui nous dépasse tous.
Vous vous demandez alors pourquoi je me suis lancé dans le sujet aussi complexe que ce qu’il se passe aux Etats Unis ? Hé bien, les scénaristes de Deus Ex, Sheldon Pacotti et Austin Grossman, avait vu juste sur deux points : l’espionnage des institutions sur sa population avec le cas de Edward Snowden et donc, le fait que l’armée américaine pourrait mentir sur un sujet aussi grave que le phénomène PAN. En effet, dans l’intrigue de Deus Ex, notamment sur sa peste grise, les Illuminatis, pour couvrir quelque chose de bien plus grand que le simple fait d’avoir relâché un virus sur les gens, vont inventer tout et n’importe quoi, surtout n’importe quoi d’ailleurs, pour cacher leurs véritables intentions et donc déplacer l’attention des gens sur leur faits et gestes. Je tiens à le rappeler, Deus Ex est une œuvre de fiction où ses scénaristes se sont servis des théories du complot alors en vigueur pour façonner une intrigue à multiples tiroirs (dans d’autres tiroirs) où la fiction n’a pas seulement été rattrapée par la réalité mais qui au final révèle, selon moi, pourquoi Deus Ex est un chef d’œuvre absolu.
Si jusqu’ici, cela reste bon enfant, il me faut bien l’avouer, la fin de la lecture du livre m’a vraiment choqué, notamment quand l’auteur nous explique le point de vue des développeurs et leur regard qu’ils ont sur notre actualité et l’utilisation faites de certains de leurs joueurs de leur œuvre. Je pense notamment au mouvement Qanon, à l’invasion du Capitol en 2020, aux sorties d’un certain propriétaire d’un réseau social (X, pour ne pas le nommer), fan de l’œuvre mais qui prouve qu’il n’a rien compris aux propos de la dite œuvre à chacune de ses sorties verbales. Deus Ex est une œuvre si intelligente qu’elle peut à la fois se faire taxer d’un courant politique le lundi et du courant politique inverse le lendemain, tant les joueurs peuvent l’analyser selon leur façon de voir le monde…
Je pourrais continuer à vous parler de l’œuvre et de l’analyse ultra détaillée d’Anaer durant des heures mais je vais plutôt m’arrêter sur ces derniers mots : en ce qui concerne Deus Ex, je le redirais à l’infini (même si, je vais être honnête, Human Revolution et Mankind Divided m’ont plus marqué d’une certaine façon), le studio Ion Storm nous a offert et nous offre encore, 25 ans après sa sortie, un miracle. Parce que c’est le mot, Deus Ex est un miracle dont seul le jeu vidéo en a le secret. Quant à l’auteur, Anaer, il nous livre non pas une simple analyse ultra détaillée et pointue du bébé de Ion Storm, il nous livre à son tour, d’une certaine manière, l’œuvre de sa vie et nous propose alors de plonger, avec lui, dans les méandres d’une œuvre d’anticipation où seule la réalité de notre présent, bien morose, a réussi à rattraper. Et on espère évidemment voir les analyses d’Anaer sur les autres jeux de la franchise arriver chez Third.
Rédacteur augmenté biberonné à la science fiction, explorateur chevronné, adorateur du mouvement cyberpunk, et aime se faire peur sur des survival-horror.
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