Le 14 juillet 2022, Arrowiz, Prime Matter et Plaion annonçaient Mato Anomalies, un visual novel aux allures de JRPG futuriste et dystopique. Quelques mois plus tard, en octobre, j’ai eu l’incroyable chance de participer à un hands-on pour vous proposer ma toute première preview sur le blog. Après 2 petites heures de jeu, le jeu du studio chinois avait su m’intriguer, par son aspect « polar noir » d’un côté, et son mélange de genres d’autre part. Disponible depuis le 10 mars (oui, j’ai un retard incommensurable) sur PlayStation 4 et 5, Xbox One et Series, Nintendo Switch et PC, que faut-il retenir de l’expérience Mato Anomalies?
Conditions de test:
- Version: numérique sur PC
- Fournie par l’éditeur
- Temps de jeu: environ 35h
- Histoire terminée: Oui
- Complétion globale: non communiquée dans le jeu, mais j’ai atteint les 78% des succès Steam, quasi toutes les quêtes secondaires terminées
- Mode de jeu: /
- Difficulté: Normale mais j’ai basculé en facile après environ 5h de jeu
Configuration PC utilisée:
- Processeur Intel Core i7-8750H 2,20GHz
- 16 Go de RAM
- Nvidia Geforce GTX 1060
- Réglages graphiques: Elevés (au maximum)
Mato Anomalies porte bien son nom. Il nous amène à Mato, aux côtés de Doe, détective privé, dont l’affaire en cours porte sur d’étranges anomalies. Le jeu démarre de but en blanc et va droit au but, ou presque. Au cœur de cette enquête, un traffic de Neuromatière, et un ennemi impitoyable: la Marée Funeste.
Dans sa quasi totalité, Mato Anomalies reste vague, mystérieux, et peu éloquent (cocasse pour un visual novel) quant à son scénario. S’attardant sur la situation économique, politique et sociale de Mato dans un premier temps, difficile dans les premières heures de jeu de comprendre où il veut en venir, et quels seront ses véritables enjeux scénaristiques.
Désireux de nous transporter dans un univers de science-fiction pure, Arrowiz a fait le choix de rendre son jeu aussi cohérent avec notre époque actuelle que futuriste, et cela fonctionne parfaitement. On retrouve donc aussi bien des notions que nous connaissons déjà mais avec un développement bien plus futuriste. Et en termes de difficulté de compréhension, j’aime le comparer à un certain 13 Sentinels Aegis Rim. Pourquoi? Comment? A l’image de l’œuvre de Vanillaware, Mato Anomalies ne laisse que très peu d’indices sur sa finalité, et nous propose donc un déroulement vague, on se laisse porter par ses thèmes sombres sans qu’on ne s’imagine où il veut en venir. Mais si cela peut être une incroyable qualité, mais tout aussi bien s’avérer être une faiblesse. Car bien que Mato Anomalies jouisse d’une écriture pêchue et intéressante, il voudra parfois trop en faire, traiter trop de sujets, vouloir être trop complexe pour que cela puisse accrocher tous les types de joueurs. Non, Mato Anomalies n’est pas à mettre entre toutes les mains et n’est certainement pas un RPG dit « grand public ». La SF mise en avant ici est très dense et recherchée, mais qui peut aisément tomber des mains.
En termes de gameplay, Arrowiz a choisi d’explorer plusieurs genres: le visual novel pour nous raconter son histoire, mais également le RPG en tour par tour ainsi qu’un système de jeu de cartes (inspiré de nos Jeux de Cartes à Collectionner actuels). Le premier n’invente rien et visual novel oblige, Mato Anomalies se veut évidemment très verbeux (fort heureusement, une localisation française est disponible) mais pas non plus au point d’en être indigeste. En effet, les 3 modes réussissent à plutôt bien s’équilibrer permettant ainsi de ne pas trop ressentir d’overdose. Dans cette partie du jeu, nous contrôlons exclusivement Doe, qui parcourt la ville de fond en comble pour trouver des indices afin de résoudre l’affaire. Mato est divisée en plusieurs zones, très restreintes, dans lesquelles on peut se « balader » librement. La petitesse des zones n’est pas spécialement favorable à une exploration poussée permettant ainsi d’aller droit au but, que ce soit pour l’histoire principale ou pour le contenu secondaire. Pour autant, il propose tout de même quelques lieux clés comme les marchands divers (inutiles à un stade avancé du jeu malgré tout) et variés ou Val Pangolin, d’où sont accessibles les Antres.
Mais si la simplicité de déplacement est effectivement de la partie, l’aspect très « FedEx » de son déroulement peut en décourager plus d’un notamment à cause d’une certaine symétrie. « Aller à », « parlez à », « nettoyer l’antre », « revenir à », Mato Anomalies nous fait faire beaucoup d’allers/retours, accentuant donc une impression de répétitivité non négligeable.
Parlons maintenant de son aspect JRPG en tour par tour. Celui-ci se déroulera uniquement dans les Antres de la Marée Funeste, où seuls quelques élus peuvent aller, dont Gram, notre binôme principal. Dotées d’un level design plus ou moins labyrinthique, elles font partie intégrante aussi bien de l’histoire que du gameplay. Sans réinventer le genre, le tour par tour de Mato Anomalies ne manque pas pour autant de bonnes idées en termes de gameplay. Dans ce sens, nous avons droit à une barre de vie commune à toute l’équipe, ainsi que l’absence de points de magie pour y incorporer un système de time-out qui nous permet d’utiliser nos compétences spéciales au bout d’un certain nombre de tours et un système de faiblesses en fonction des armes utilisées ou encore des équipements qui s’appliquent à toute l’équipe. Si cela permet de faciliter un peu ce qui se fait habituellement et rendre le gameplay particulièrement addictif, il n’en reste pas moins que le jeu peut s’avérer aussi pas mal exigeant et ce dès ses premières heures. J’ai pour ma part basculé en difficulté facile très tôt dans le jeu, notamment pour m’éviter quelques sessions de farm (j’ai malgré tout dû cédé au farm pour le dernier boss du jeu). Un tour par tour classique mais aussi original dans sa façon d’aborder le genre.
JRPG oblige nous avons également le droit à des arbres de compétences pour faire évoluer nos personnages en combat. Pour ce qui est de les étoffer, cela reste classique, un niveau supplémentaire nous fera gagner des points à dépenser pour chaque personnage.
Passons maintenant au dernier genre exploré par le studio: le jeu de cartes. On va pas passer par 4 chemins, je suis d’une nullité sans nom dans ce genre de jeu en plus de ne pas y comprendre grand chose aux règles. Mais de 2 choses l’une, le jeu de cartes de Mato Anomalies est relativement accessible en termes de difficulté notamment grâce à ses nombreux decks (débloqués au fur et mesure sur l’on avance dans l’histoire) et pour les moins patients, nous avons la possibilité de passer le combat au bout de 3 défaites, ce qui est une EXCELLENTE idée. Axés sur l’attaque et/ou la défense, la compréhension globale de notre objectif et comment parvenir à battre notre adversaire coule assez de source. Mais évidemment, Arrowiz a corsé un peu le jeu avec la présence de « démons » sur le « plateau » pour nous ralentir dans notre tâche. Des démons plus ou moins agressifs qu’il ne faudra surtout pas ignorer pour ne pas avoir à recommencer le duel éternellement. Si la création des decks est de toute évidence ingénieuse, l’aspect trop aléatoire de la distribution des cartes peut s’avérer frustrant. Pour ma part, je n’ai passé qu’un seul combat afin de tenter d’exploiter au mieux la proposition du studio et comprendre ce qu’ils ont voulu en faire. Dans les grandes lignes, l’idée n’est pas mauvaise, mais la réussite tirera parfois un peu trop sur la chance que sur la fiabilité du deck en lui-même. J’ai parfois recommencé un nombre incalculable de fois certains combats, pour réussir à être victorieuse en un claquement de doigt ou tout le contraire, sur un coup de chance, alors qu’il ne me restait que quelques points de vie.
Comme je le disais plus haut, l’utilisation des 3 genres est plutôt bien équilibrée avec une forte prédominance du visual novel et du JRPG, le jeu de cartes, lui, n’étant qu’un bonus, facultatif grâce à l’option de passer les combats sans que cela n’ait d’incidence sur la suite du jeu (en tout cas, pas à ma connaissance). Et si ce mélange fonctionne plutôt bien, impossible de ne pas trouver en Mato Anomalies une certaine répétitivité dans ses mécaniques.
En termes de contenu, là encore, Mato Anomalies se dévoile plutôt généreux aussi bien dans son contenu principal que secondaire, proposant donc également de s’adonner à quelques enquêtes annexes qui permettent énormément d’étoffer son lore et la compréhension de la situation de Mato. Mais là encore, si dans le fond on ne crache pas sur quelques explications sur l’univers du jeu, cette affluence de contenu peut en perdre plus d’un, tant Mato Anomalies en dit parfois trop ou pas assez. Il peine à trouver un équilibre dans la masse de choses qu’il veut nous raconter.
Mato Anomalies a opté pour un style graphique typé animé, à l’image de nombreux jeux du genre. Si le rendu global est particulièrement réussi, c’est du côté de sa direction artistique que le jeu se révèle brillant. Son style futuriste est remarquable tant il est cohérent avec ses propos. Les Antres, quant à elles, ont leurs décors qui leurs sont propres, et bien qu’on puisse les trouver très vides, cela se confond parfaitement avec les explications données par le scénario. C’est leur level-design labyrinthique tout en étant très linéaire qui peut leur faire défaut sur la durée. Sa mise en scène reste elle très en retrait. Il alterne entre phases de dialogues et planches de BD animées en guise de transition qui font leur effet mais qui manquent parfois d’un peu de panache. Son OST est, elle, en revanche irréprochable, d’ailleurs je ne dis pas non à une petite sortie vinyle.
Techniquement parlant, je n’ai qu’une seule chose à lui reprocher: ses très nombreux temps de chargements utilisés à outrance entre chaque zone et comme je vous le disais précédemment, le jeu nous demandant de faire beaucoup d’allers/retours, il y en a donc à foison. Fort heureusement, sur PC, ils sont de courtes durée.
En écoutant mon cœur, je ne pourrai que vous conseiller Mato Anomalies qui est un jeu que j’ai tout bonnement adoré! Mais la raison, quant à elle, se doit de rester objective et il est indéniable que Mato Anomalies souffre de nombreuses faiblesses. Son scénario riche et intriguant manque parfois de se perdre lui-même tant il a beaucoup (trop) de choses à nous raconter. Et il en va de même pour son gameplay, dense grâce à son mélange de plusieurs genres et addictif, mais qui là encore se perd très facilement dans la répétitivité. L’équilibre de ce mélange est notable, le visual novel ne prend pas plus le pas sur le reste du jeu, si ce n’est que le jeu de cartes peut sembler légèrement plus en retrait. Pour moi, il est présent tout juste ce qu’il faut, surtout avec le facteur chance prédominant dans les victoires qui peut vite être perçu comme frustrant. J’ai adoré Mato Anomalies pour sa SF, pour son écriture, pour ses thèmes et ses propos, pour son gameplay original et ses bonnes idées dans le tour par tour, mais il n’en reste pas moins un jeu très ambitieux dont la formule pourra ne pas plaire à tout le monde.
Les plus
- Le duo Doe/Gram
- Le mélange entre actualité et anticipation
- Visual novel/RPG/jeu de cartes, un combo bien équilibré
- Le tour par tour revisité
- La possibilité de passer les duels de cartes
- La construction des decks inventive
- La DA typée polar noir très réussie
- Les sous-titres en français
Les moins
- Trop de temps de chargements tue les temps de chargement
- Une répétitivité vite ressentie
- En dit parfois trop ou pas assez
- Le facteur chance du jeu de cartes parfois frustrant