
Tout droit sorti de l’imaginaire de Tomohisa Kuramitsu dit Baiyon, que l’on connait pour ses travaux sur PixelJunk Eden en tant que compositeur mais aussi en tant que directeur artistique, sous l’égide du studio Q-Games, Dreams of Another a été annoncé le 12 février 2025 lors d’un State of Play diffusé par PlayStation. On y découvrait un jeu de tir à la troisième avec une philosophie bien particulière: pas de création sans destruction. Disponible dès le 10 octobre 2025 sur PS5, compatible PS VR2 et PC, Dreams of Another offre une expérience complètement décalée, pour le meilleur et pour le pire? Réponse dans mon test après avoir terminé cette drôle d’aventure.

Version | Numérique sur PS5, fournie par l’éditeur |
Temps de jeu | 8h |
Histoire terminée | Oui |
Complétion totale | Non communiquée |
Difficulté | Unique |

Genre(s) | Jeu de tir, Aventure, Action |
Date de sortie | 10 octobre 2025 |
Prix (maximum conseillé) | 34€99 |
Plateforme(s) | PS5, PS VR2 et PC |
Voix | Anglais |
Textes français | Oui |
Connexion obligatoire | Non |

Sans destruction, pas de création, voilà un mouvement philosophique intéressant repris par de nombreuses figures de l’Histoire, politiques et artistiques. Par exemple, on doit cet adage à Oda Nobunaga qui disait « sans destruction, il n’y a pas de création…il n’y a pas de changement ». Mais cette philosophie est plus connue pour être le slogan utilisé par Mao Zedong (ou Mao Tsé Toung), lors de la Révolution Culturelle qui démarra en 1966. Il disait « Sans destruction, pas de construction, sans barrière pas de courant, sans arrêt pas d’avance ». Enfin, Pablo Picasso affirmait que « tout acte de création est d’abord un acte de destruction ». Une philosophie qui porte à de nombreuses réflexions, dont celle, ici, de Baiyon pour son nouveau jeu, Dreams of Another, littéralement Rêves d’un autre.
Tout commence par la rencontre, le temps de quelques minutes, d’un soldat incapable d’appuyer sur la détente de son fusil alors même que sa propre vie est en danger. Mais très vite nous nous retrouvons dans la peau d’un mystérieux homme en pyjama, fusil à la main, dans un monde tout en « bulles » dans lequel il devra détruire pour créer. Un immense patchwork d’univers différents, d’un village à un parc d’attractions, dans lesquels notre homme devra venir en aide aux auras et aux habitants de ces univers.
Dreams of Another est assez complexe à expliquer tant il sort des sentiers battus, de par sa narration, très énigmatique, décousue même parfois, et tant il fourmille de thèmes ci et là. Les rêves, les souvenirs, la colère, voilà donc ce que Baiyon et Q-Games vont traiter tout au long de cette petite dizaine d’heures de jeu. Notre périple se déroule donc dans plusieurs tableaux, plusieurs univers, dans lesquels nous partons à la rencontre de nombreux personnages, humains et non humains, avec pour seul dénominateur commun: pas de création sans destruction. Dreams of Another est une immense énigme qu’il faudra résoudre afin de voir les ficelles de son histoire se démêler au fil que nous avancerons, au fil de la création de son monde.

Dans Dreams of Another, votre seul objectif est ici de donner forme au monde qui vous entoure. Chaque tableau, chaque scène, démarrera par une physique complètement abstraite formée de bulles et de particules qu’il faut remettre en ordre pour façonner le décor, le tout à la simple utilisation d’armes à feu, en commençant par un fusil d’assaut. A l’aide de munitions illimitées, nous nous retrouvons donc à tirer sans relâche pour créer des mondes, voir la silhouette d’une personne se dessiner au loin, un arbre, une maison, un lampadaire, et ainsi de suite. Chaque tableau aura sa propre histoire à dévoiler, sa propre narration parfois décousue qui pourra nous faire perdre un peu le fil rouge.
Et pour avancer dans l’histoire, il suffira par exemple de parler à un personnage en particulier, ou tout simplement calmer l’aura d’un objet, jusqu’à retrouver un souvenir en particulier ou réaliser un rêve. Cela nous demandera donc de refaire jouer le piano au milieu du village pour un enfant, ou encore faire goûter la liberté à un poisson. Détruire pour créer, toujours, tout le temps. Détruire et créer. Une philosophie immuable, jamais remise en question.
Et c’est peut-être ce qui m’a le plus dérangé tout au long du jeu. Car si sa philosophie est mise en pratique de façon poétique dans un monde tout en bulles, souvent coloré, c’est la façon dont il utilise une arme à feu, sans relâche, qui peut être sujet à débat. Ici on tire sans se poser de question, sans se demander si un personnage va être blessé dans notre « création ». Non, ici un fusil ne sert pas à tuer, et est rendu finalement totalement inoffensif, voire même il sert à guérir les auras (sortes d’âmes d’objets en tous genres). Et il me faut le dire, cette approche m’a déroutée, pour ne pas dire dérangée. En effet, si le fond est louable, la forme, elle, manque de finesse, de profondeur, de nuances. Ai-je pris le problème à l’envers? Oui, c’est possible. Et c’est en cela que Dreams of Another, au delà d’être une réflexion personnelle de son créateur, le sera tout autant également pour ses joueurs, et à la discrétion de leurs sensibilités.

Si on ne parle que de boucle de gameplay, Dreams of Another est particulièrement répétitif. On tire, on continue de tirer jusqu’à former un monde, on parle à des personnages, on « résout » une énigme, on calme des auras, toujours en tirant. Autant dire que ce qui peut marquer le plus dans le jeu, c’est ce qu’il veut nous raconter, les thèmes qu’il veut traiter, plus que sa mise en scène et son gameplay. De nombreuses fois, on ramassera des objets, pour la plupart insignifiants, du bric à brac, parfois cassé, qui serviront de monnaie d’échange pour débloquer, par exemple la possibilité de courir ou encore récupérer quelques munitions pour nos armes secondaires.
Sortir des sentiers battus, c’est un peu le mot d’ordre de Baiyon. Que cela soit avec PixelJunk Eden ou sur les autres projets sur lesquels il a travaillé (par exemple le remastered de The 25th Ward: The Silver Case, un jeu de Suda51, sur lequel il est compositeur), Baiyon ne rentre dans aucune case conventionnelle. Et Dreams of Another, projet sur lequel il est entièrement impliqué en tant que réalisateur, scénariste mais aussi en tant que directeur artistique et compositeur, n’est pas une exception. Et c’est sur cette partie artistique et visuelle que l’on va s’intéresser maintenant.

Vous l’aurez donc compris, les mondes de Dreams of Another sont initialement formés de bulles et de particules. Des tableaux abstraits dans lesquels il faut reconstituer le décor. En cela, le titre nous propose une expérience visuelle assez hors du commun puisque jamais vraiment nette. Les particules ne sont ici pas vraiment détruites mais plutôt rassemblées pour former des objets, des bâtiments, des silhouettes, etc proposant donc une sorte de pixel art en 3D tout en reposant sur un effet de réalisme dans lequel on pourrait déceler une pointe d’impressionnisme (mouvement pictural du XIX siècle). Mais ce n’est pas tant la technique artistique qui impressionne le plus mais plutôt sa palette de couleurs qui changera en fonction du tableau, qui renforce cette idée d’immense patchwork de décors et d’ambiances différentes.
Le sound design reprend lui aussi cette volonté d’être complètement à part. On se retrouve donc dans un univers dans lequel les musiques se forment au son de plusieurs instruments sans chercher à devenir véritablement des mélodies. Une note de guitare par ci, un court enchainement de notes au piano par là. Là encore, à l’image de sa direction artistique, Baiyon propose une ambiance sonore très particulière, décousue, parfois abstraite.

Dreams of Another, il faut le dire clairement, est un OVNI, une véritable curiosité, du jeu vidéo. De ceux qui nous questionnent constamment, de ceux qui nous font nous demander à chaque instant ce qu’on fait là, ou à quoi on vient de jouer en regardant les crédits défiler. Dreams of Another en de nombreux points m’a rappelé cette ère de la PS3 où il y avait de nombreuses propositions très décalées, très abstraites, avec leur propre vision artistique. Je pense par exemple à Flow, Flower aussi et Limbo. Des productions clivantes de par leur proposition originale, qui ne rentrent dans aucune case vraiment concrète. Et c’est un peu ce qui explique, exceptionnellement l’absence de note pour ce test. L’ai-je aimé? L’ai-je moyennement aimé? L’ai-je détesté? Si je n’arrive pas moi-même à répondre à cette question comment pourrais-je conseiller ou ne pas conseiller de faire ce jeu avec une vision philosophique qui lui est propre, avec un game design qui lui est propre? Oui certains aspects de Dreams of Another dans sa réflexion m’ont dérangée d’une certaine manière sans pour autant que je puisse jeter son fond de départ et sa philosophie. Dreams of Another c’est un jeu complètement à part avec une proposition qui casse bon nombre de codes.

- Une philosophie qui porte à la réflexion…
- Sort visuellement des sentiers battus
- Un patchwork de plusieurs tableaux différents
- Les thèmes traités
- Un OVNI qui rappelle des titres comme Flow, Limbo, Flower, etc
- Une DA unique, avec une large palette de couleurs

- …Mais trop peu nuancée dans sa forme
- Une boucle de gameplay trop répétitive
- L’histoire au sein de chaque tableau parfois décousue