[Avis] BROK The Investigator : Un trésor vidéoludique français

Sorti en août 2022 sur Steam, le jeu de Cowcat Games, BROK The Investigator, s’est faufilé le 1er mars dernier sur consoles (Nintendo Switch, PS4, PS5, Xbox One et Series). Brok, c’est le projet de Fabrice Breton, qui succèdera à Démétrios, son premier jeu. Le développement lui prend 6 ans, presque à lui tout seul. Animations, histoire, gameplay, le concept est quasi fait de la main d’un seul homme. Un projet pour le moins ambitieux avec son mélange de genres et ses 11 fins. Aujourd’hui, il est temps pour moi de vous en parler.

Après presque 14h de jeu, j’ai bouclé l’histoire principale du jeu, avec la fin dite canonique ainsi qu’une seconde. La France a un incroyable talent, et BROK The Investigator en est une preuve tangible.

Cet avis a été rendu possible grâce à une version dématérialisée du jeu sur Nintendo Switch fournie par le studio, que je remercie infiniment pour sa confiance.

Dans un monde futuriste divisé en 2 parties, les Slums (bidonvilles) et le Drum (dôme), où les humains sont peu à peu remplacés par des « bots », nous faisons la connaissance de Brok, un croco devenu détective privé après avoir abandonné sa carrière de boxeur. Plusieurs années auparavant, Brok a perdu son épouse Lia dans un terrible incendie, lui confiant la garde de son fils, Graff. Détective fauché devenu père malgré lui, la vie de Brok est compliquée à gérer, entre les factures à payer et l’éducation d’un ado à assurer, le pauvre croco (ou alligator, il ne le sait pas lui-même) bedonnant est bien vite dépassé par les événements mais ne lâche rien. Il est appelé par un nouveau client, qui lui confie la mission de retrouver son pistolet perdu dans les égouts. Mais cette simple affaire va s’avérer n’être que le début d’une enquête bien plus conséquente.

Brok The Invesgator propose un scénario sans pareil. De ses indéniables références aux nombreuses œuvres du genre, tant dans ses thèmes que dans ses dialogues, est né une histoire fascinante, singulière et poignante. Les premières heures intriguent, et on s’imagine que le jeu ne sera qu’une succession de petites enquêtes à mener pour voir évoluer notre personnage principal dont l’écriture se dévoile impressionnante. Mais il n’en est rien. Derrière le sommet émergé de cet iceberg qu’est l’histoire de Brok, se cache quelque chose de bien plus grand, bien plus ambitieux qu’on ne l’imagine. Et c’est une franche réussite. De plus, en complément de son histoire principale, il propose plusieurs quêtes et énigmes secondaires et facultatives là encore particulièrement bien écrites et scénarisées.

L’écriture de l’ensemble du jeu qui s’en dégage est plutôt incroyable. Si l’évolution de Brok et Graff, et de leurs liens qui ne tiennent parfois qu’à un fil, est omniprésente dans le titre, le moindre petit personnage secondaire que l’on croisera dans ce monde impitoyable aura droit à son histoire et sa place dans l’entièreté du jeu (mention spéciale à Bolt). Ses thèmes, ses propos (d’une justesse et qui peuvent très facilement s’ancrer dans l’actualité de notre époque), ses flashbacks, sa façon dont il a d’aborder son propre univers relève d’une véritable maitrise de la part du studio.

Le studio lui-même définit son jeu comme étant le tout premier « punch’n click« . Punch’n Click, kézako? C’est le doux mélange du Point’n Click et du Beat’em all. Que cela implique-t-il? L’aspect Point’n Click fait partie intégrante de l’aventure. Des objets avec lesquels interagir, à ramasser, et des énigmes à résoudre. Brok The Investigator est un point’n click pure souche, me rappelant au passage les fantastiques moments que j’ai passé sur un certain Return to Monkey Island ou encore Chicken Police. Un genre auquel je m’intéresse de plus en plus, et qui à chaque nouveau titre terminé me conforte dans cette voie. Car Brok a plusieurs cordes à son arc et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il est imprévisible dans sa façon d’avancer.

En ce qui concerne son aspect beat’em all, il implique évidemment des combats. Mais pas que. En effet, le jeu nous permet de passer d’un mode à l’autre en un claquement de doigt ou plutôt par simple pression d’une touche sur notre manette. Ainsi pas besoin d’attendre une phase de combat scriptée pour coller quelques tatanes bien placées.

Et c’est là que le gameplay imaginé et façonné par le studio français se veut incroyablement inventif et original. L’alliance de ces deux genres permettent donc à Brok (au jeu) d’être particulièrement réfléchi dans ses mécaniques et donc dans la résolution de ses énigmes et dans son déroulement. Car le jeu offre à ses joueurs diverses façons d’aborder chaque chapitre et chaque énigme. Cela peut être de façon entièrement pacifique ou tout le contraire. Et c’est véritablement addictif! Plus loin encore, ce mélange des genres permet donc au jeu d’avoir un système de choix et donc d’embranchements donnant donc accès à pas moins de 11 fins.

Un système là encore particulièrement bien pensé, puisqu’une fois le premier « run » terminé, le jeu vous donne la possibilité de voir les choix que vous avez fait (ainsi que celui des autres joueurs), la possibilité de choisir chaque chapitre indépendamment pour partir en quête des autres fins sans avoir à tout recommencer du début. Une rejouabilité forte de proposition pour voir toute l’étendue de ce qu’a le jeu à proposer.

Des collectibles sont également de la partie. Mais pas du genre à devoir être collecté aveuglément et sans but précis. Du nom de « pubs », elles permettent avant tout de nous procurer des indices bienvenus dans le cas où notre réflexion et notre capacité à résoudre certaines énigmes sont aux abonnés absents. Car oui, certaines énigmes sont ce qu’on peut appeler « coton ». Et pas forcément intuitives malgré la possibilité de décrire les objets de notre inventaire.

Détective oblige, Brok annote souvent dans son carnet les précieux indices qu’il collecte au fur et à mesure qu’il avance dans ses enquêtes. Indices qui seront nécessaires aux, trop peu nombreuses à mon goût, phases d’interrogatoires pour clamer l’innocence ou la culpabilité de vos suspects principaux. Tout ça pour dire que BROK The Investigator propose un gameplay riche et complet, cohérent avec son univers, mais également varié et plein de surprises. J’ai eu énormément de mal à lâcher ma console tant il m’a happé dans son récit mais également dans ses mécaniques de gameplay.

Parlons maintenant de son aspect visuel. Je vous avoue être particulièrement tatillon et très sélective sur les jeux indépendants notamment par lassitude du style en pixel-art (probablement à tort). J’ai donc eu bien plus de facilité à m’intéresser à BROK The Investigator et à son style graphique et à sa DA incroyable! Le dessin est absolument fabuleux et les quelques environnements que nous sommes amenés à arpenter m’ont fascinée tant par leur qualité visuelle que par leurs décors sans oublier le character-design animalier. Ce monde futuriste imaginé par Fabrice Breton nous transporte tant par ses couleurs et ses environnements divers que par le message que cela véhicule d’un aspect social et environnemental.

La mouture Switch est impeccable tant en termes de maniabilité que de technique que ce soit en mode docké qu’en mode nomade. Je n’ai eu à faire qu’à une seule chute de framerate de quelques secondes, autant dire que c’est peu.

Du côté de ses doublages, uniquement en anglais (mais rassurez-vous, le jeu propose une localisation française ainsi que de bien d’autres langues), là encore c’est d’une qualité indiscutable. Les plus tatillons auraient préféré un doublage français, et pourtant celui proposé en langue de Shakespeare est tout bonnement excellent. L’implication des doubleurs se faire ressentir à chaque phrase et c’est un régal (là encore certains personnages se démarqueront plus que d’autres).

Pour le lancement des versions consoles, je me suis laissée conseiller par un confrère blogueur qui avait déjà terminé le jeu. Et j’ai bien fait. Alors que je voyais le générique de fin défiler sous mes yeux après presque 15h de jeu, j’ai eu un immense sentiment de vide tant je ne m’attendais pas à une telle aventure. Un projet ambitieux pour une seule personne mais qui a su faire preuve d’imagination et d’implication pour proposer une histoire singulière, un gameplay novateur et un univers, inspiré d’œuvres existantes, oui, mais dont l’identité se démarque d’autres productions. Le mélange de Point’n Click et de Beat’em all (donnant naissance au Punch’n Click) est savoureux au possible dans sa façon d’aborder les énigmes mais influant également sur la fin de l’histoire. Oui, j’avoue avoir abusé des superlatifs dans cet avis, et encore ils ne sont toujours pas à la hauteur du plaisir de jeu que m’a procuré BROK The Investigator tant je ne m’attendais pas à un jeu aussi inventif, imprévisible et original. Sur la liste des défauts, pas grand chose à signaler de mon côté, si ce n’est peut-être trop peu de phases d’interrogatoires à mon goût ou encore quelques énigmes qui manque peut-être un peu d’intuition (mais vive le système de pubs). Malheureusement pour ceux qui préfèrent le support physique, le jeu n’en propose pas à l’heure actuelle, mais je garde bon espoir: Démétrios est proposé en bundle avec un second jeu sur Switch (chez Just For Games) mais a également eu droit à sa version physique sur PS4 (et PS Vita). Quoi qu’il en soit, si vous êtes friands de belles découvertes indépendantes, BROK The Investigator est fait pour vous! Le talent français en matière de jeux vidéo est une nouvelle fois porté avec brio!

Aparté: Alors que la question d’accessibilité se pose de plus en plus pour les joueurs en situation de handicap, BROK The Investigator a jouit d’une mise à jour pour le moins novatrice, hier, 9 mars 2023, permettant aux joueurs aveugles et malvoyants de jouer au jeu. Pour l’heure uniquement disponible sur Steam et GOG, le studio prévoit d’ores et déjà de déployer cette mise à jour sur l’entièreté des plateformes sur lequel il est disponible. Bravo!